Revue de presse

N. Polony : "Dr Folamour à l’Elysée" (Marianne, 13 juin 24)

(Marianne, 13 juin 24). Natacha Polony, journaliste, essayiste, directrice de la rédaction de "Marianne" 14 juin 2024

[Les éléments de la Revue de presse sont sélectionnés à titre informatif et ne reflètent pas nécessairement la position du Comité Laïcité République.]

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Lire "Natacha Polony : "La dissolution de Macron ? Brutaliser le pays pour ne surtout pas ouvrir le débat"".

"[...] Emmanuel Macron a choisi, face à une défaite cinglante, de brutaliser le pays, d’accentuer les fractures et de priver une fois de plus les électeurs d’un débat nécessaire pour trancher les grands sujets qui les divisent, le tout au risque d’une instabilité dangereuse. Que la tactique se révèle ou non payante, elle n’en demeure pas moins le résultat d’une absence totale de sens de l’État et de respect des citoyens.

On a déjà glosé depuis dimanche sur les consternants éléments de langage répétés mécaniquement sur les plateaux de télévision par les ministres priés d’assurer le service après-vente. « Le président a entendu les Français, il retourne au peuple » et permettra une « clarification ».

Osons donc un rappel à destination des oublieux : en 2022, après un quinquennat durant lequel une explosion de colère sans précédent a fini confinée par un virus, Emmanuel Macron profite de la guerre en Ukraine pour enjamber la campagne présidentielle. Aucun retour sur son bilan.

Aucun débat sur les orientations que souhaitent les Français. Une seule question : voulez-vous donner le pouvoir aux amis de Poutine, à la cinquième colonne ? Et on remet ça pour les législatives un mois plus tard.

Ce hold-up débouche directement sur la crise autour de la réforme des retraites . Blocage total entre l’exécutif et l’Assemblée nationale, sur fond de refus obstiné de 75 % de la population. Quiconque connaît les institutions de la Ve République se dit que c’était là l’occasion d’une dissolution pour « clarifier », « revenir au peuple » pour lui faire trancher le débat. Eh bien non. Ce fut un 49.3. La Constitution utilisée pour contourner la volonté du peuple. Et une pelletée de terre sur la tombe du Général.

Mais puisque cette Assemblée est ingouvernable, puisqu’une motion de censure s’annonçait pour l’automne, il y avait là une autre occasion de « revenir au peuple ». De permettre que se tienne la campagne législative qui n’avait pas eu lieu en 2022. De mettre sur la table les questions essentielles : éducation, santé, services publics, logement, aménagement du territoire, sécurité, immigration… honnêtement. Projet contre projet. Emmanuel Macron a préféré la déflagration. Trois semaines pour escamoter les débats, faire jouer les logiques d’appareil, torpiller ses adversaires, détruire et contempler le champ de ruines.

Ces trois semaines s’annoncent comme un chemin de croix : le retour de la grande kermesse antifasciste de la jeunesse insoumise, avec slogans surannés et drapeaux palestiniens, les tractations sordides, d’Éric Ciotti à Éric Zemmour et d’Olivier Faure à Manuel Bompard.

Pour sauver les meubles, embrassons-nous, Folleville ! Et bien sûr, les discours sur la nécessité d’« éviter le pire ». Une fois de plus, nul ne saura pourquoi autant de Français votent pour « le pire ». Nul ne saura ce qui provoque cette impression d’abandon, cette impression de se faire confisquer la démocratie, qui pousse une moitié des citoyens à se détourner du vote tandis qu’une part croissante choisit un vote radical, malgré le chantage aux « heures les plus sombres ».

Pas de diagnostic sur l’appauvrissement inquiétant du pays, sur la violence croissante des rapports sociaux, sur la gangrène des trafics, sur la destruction de toute transmission culturelle. Rien, enfin, sur la partition géographique du pays entre, d’un côté, des centres urbains et des banlieues à qui Jean-Luc Mélenchon, dimanche 9 juin au soir, lançait un appel (contre les ploucs qui votent mal ?), évoquant un « peuple nouveau » qui « s’est constitué en France, des foules immenses » qui « vivent ensemble dans les villes et se créolisent », et, de l’autre, des campagnes, petites villes et villes moyennes où le RN écrase les scrutins. [...]

Et la gauche se retrouve piégée dans une alliance à la fois nécessaire et impossible, qui réinstalle les Insoumis en force dominante, et donc en repoussoir pour les modérés. De l’autre côté, l’éclatement des Républicains est entériné. Le président de la République peut se vanter d’avoir bel et bien installé le Rassemblement national comme seule force d’alternance possible."


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