Revue de presse

"Le choix du patron de Sciences Po suscite de fortes réserves" (lemonde.fr , 31 oct. 12)

31 octobre 2012

"les deux instances délibérantes de l’école parisienne ont officiellement présenté à l’Etat la candidature d’Hervé Crès, actuel administrateur provisoire, à la succession de Richard Descoings, ancien directeur de l’institut d’études politiques (IEP), mort le 3 avril. Lundi 29 octobre, M. Crès a recueilli vingt voix sur trente (soit le seuil minimum requis) au conseil d’administration de la Fondation nationale des sciences politiques (FNSP, qui gère l’IEP) et, le lendemain, treize voix sur vingt-neuf (quatorze bulletins blancs et nuls et un vote contre) au conseil de direction de l’IEP. Mais les scores obtenus sont si serrés qu’Hervé Crès en sort affaibli, et les deux décisions ont aussitôt été contestées.

Un des 24 candidats, Bruno Toussaint, avocat au barreau de Paris, va attaquer ces décisions en justice "en début de semaine prochaine". La délibération de l’IEP "apparaît en effet grossièrement illégale", dit-il. "Quand une procédure est décidée, elle doit respecter un certain nombre de principes, tels l’égalité entre les candidats et la transparence. Cela n’a pas été le cas." Les délibérations ont aussi été contestées en interne. A la FNSP, François Chérèque – le secrétaire général de la CFDT présent au titre des personnalités choisies par le premier ministre – a émis des doutes sur la procédure de nomination. Un vote sur le report de l’élection a eu lieu, mais celui-ci a été repoussé. Au conseil de direction de l’IEP, l’Union nationale des étudiants de France a également obtenu un vote sur un éventuel report, avec le même résultat : négatif.

Tout l’enjeu est en effet de savoir s’il fallait attendre ou pas la publication, le 22 novembre, du rapport définitif de la Cour des comptes sur la gestion de Sciences Po entre 2005 et 2010 pour procéder à la nomination du successeur de Richard Descoings. Le 3 septembre, Geneviève Fioraso, ministre de l’enseignement supérieur, avait demandé aux présidents des deux instances délibérantes, Jean-Claude Casanova et Michel Pébereau, d’attendre cette publication.

Dans le projet de rapport définitif, que Le Monde s’est procuré, la Cour des comptes apparaît menaçante : "Elle se réserve de donner des suites juridictionnelles au vu des pièces en sa possession", écrit-elle en conclusion. Par rapport au document provisoire, que nous avions dévoilé en juillet, elle n’a pas fondamentalement varié dans son appréciation. Certes, elle souligne le "dynamisme" et la "capacité d’adaptation" de Sciences Po. Mais elle dénonce une gestion entachée de nombreux "dysfonctionnements", "défaillances" ou "irrégularités importantes"...

Selon nos informations, une instruction complémentaire a récemment été lancée par la Cour pour analyser la pertinence d’éventuelles poursuites. La juridiction devrait se prononcer le 22 novembre. Cela pourrait constituer une épée de Damoclès pour Hervé Crès. Il n’est pas mis en cause personnellement par la Cour, mais celle-ci attribue "la responsabilité des irrégularités relevées dans la gestion des services des enseignants" à la direction dont il a la charge. [...]

Le successeur de Richard Descoings, administrateur de la FNSP et directeur de l’IEP, est nommé par décret du ministre de l’enseignement supérieur pour la première fonction, et par décret du président de la République pour la seconde. L’équipe de M. Hollande suit l’affaire de près, avec un principe clair : "A chacun sa responsabilité, explique-t-on à l’Elysée. C’est à Sciences Po de choisir son directeur. Le rôle de l’Etat n’est pas de faire le casting, mais de vérifier que la personne proposée n’est pas mise en cause par la Cour et de tirer les conséquences du rapport de celle-ci en termes de gouvernance et de contrôle." En clair, l’Etat souhaite savoir si M. Crès peut faire l’objet de poursuites avant de valider sa nomination. Il lui faut donc attendre, dans un premier temps, la décision de la Cour des comptes de transmettre ou non certains éléments au parquet de la cour de discipline budgétaire et financière, puis, dans un deuxième temps, la décision du parquet de donner des suites.

Quant à l’avenir de Sciences Po, l’Etat ne souhaite pas suivre la Cour dans sa demande de revenir sur le statut de l’institution. Mais il a engagé une discussion avec MM. Casanova et Pébereau sur les réformes à conduire."

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