Edito

La rentrée éducative ambivalente de la majorité présidentielle (Philippe Guittet)

par Philippe Guittet, président de la Commission Ecole et République du CLR. 29 août 2023

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Il nous faut saluer certaines annonces du ministre de l’Education nationale lors d’une interview à la télévision et lors de sa conférence de presse :

  • l’interdiction totale de l’abaya et du quamis dans les établissements scolaires,
  • le retour des épreuves de spécialité du baccalauréat à la fin juin,
  • le retour des mathématiques en classe de première,
  • le doublement du temps consacré à l’enseignement moral et civique lors des trois dernières années de collège.
  • la priorité aux savoirs fondamentaux et notamment au français à l’école primaire.

L’interview exclusive d’Emmanuel Macron dans Le Point du 24 août dernier continue, en revanche, d’inquiéter, même s’il conclut de manière positive en indiquant qu’il n’y a « qu’un chemin, l’autorité des savoirs, l’autorité des maîtres, une école de la transmission, de l’esprit critique, de la confiance ».

Sur la forme en premier lieu, lorsqu’il déclare que « l’éducation fait partie du domaine réservé du président ». Non, monsieur le monarque républicain, l’éducation relève du gouvernement et de son ministre de l’Education nationale, et surtout du vote des lois par les parlementaires. Il n’est pas anormal que le président indique les grands enjeux de l’Ecole, mais cela doit s’arrêter là. Il ne lui revient pas, en particulier de définir les programmes d’histoire, comme il le souhaite ; cela doit relever d’une commission indépendante des pouvoirs politiques.

Sur le fond, il ne renonce pas à « l’Ecole du futur », en indiquant que « nous devons laisser plus d’autonomie aux établissements dans leurs projets, leurs recrutements… ».

Comme nous l’avons déjà écrit, « un recrutement au niveau des établissements scolaires signifierait que le projet de l’établissement aurait nécessairement plus d’importance que les programmes nationaux ».

Engager ce processus serait favoriser aussi le recrutement de personnels contractuels, au détriment des enseignants fonctionnaires ; ce serait amplifier encore le processus de précarisation des professeurs et ce serait, à terme, supprimer le recrutement par concours à l’issue de la formation initiale des professeurs.

Une autonomie totale des établissements pourrait faire le jeu de tous les groupes de pression ou d’influence.

Prenant comme modèle l’enseignement privé, ces propositions favoriseraient une concurrence entre établissements et entérineraient des écoles à plusieurs vitesses.

Ce projet est dans la droite ligne des préconisations libérales de l’OCDE.

C’est celui repris par la droite sénatoriale, et adopté par le Sénat le 11 avril dernier, qui propose par expérimentation une remise en cause profonde du cadre national de l’École républicaine. »

Souhaitons qu’il n’en fasse pas la proposition, lors de sa rencontre avec les partis politiques représentés au parlement, pour tenter des convergences avec la droite parlementaire.

Il n’est en tout cas pas étonnant qu’en continuant de défendre cette vision de l’Ecole, il ne dise rien de la nécessaire mixité sociale et scolaire, et surtout qu’il ne dise quasiment rien sur la formation initiale et continue des professeurs.

Rappelons nos propositions et « notre attachement à un recrutement national et à une affectation des enseignants par le ministère et les services académiques.
Seul le maintien des concours et d’un recrutement national, associé à une formation initiale et continue définie permettra de renforcer la professionnalisation des enseignants qui ne doit plus être aux mains des seuls experts des sciences de l’éducation.
L’urgence est donc de reconstruire la formation des maîtres, dont le recrutement connaît une crise sans précédent. Cette formation doit être d’un haut niveau universitaire, en harmonie avec les inspections générales disciplinaires qui rappellent les contraintes et les responsabilités pédagogiques.
Cela n’implique pas un recrutement à bac+5, qui est une des explications de la fuite de nombreux candidats potentiels. Pourquoi ne pas recruter à bac+3 et organiser la formation dans des écoles normales supérieures à l’échelle régionale pour tous les professeurs ?
Tout professeur, formé dans ces conditions, détiendra les codes nécessaires attendus par l’École de la République pour assurer la réussite de ses élèves.
Tout professeur formé dans ces conditions sera en capacité de maîtriser les savoirs à enseigner, condition de son autorité auprès des élèves, dans tout établissement du territoire de la République. »
Le Président cite Ferdinand Buisson. Il a raison. « Tant vaut l’Ecole, tant vaut la nation » disait ce dernier. Mais pour cela, il faut renoncer à ce projet « d’Ecole du futur ».

Ne pas laisser notre École être démembrée, c’est afficher notre engagement à construire un service public d’éducation permettant la transmission des savoirs et des principes républicains.

Cette École publique laïque est celle d’un espace impartial, indépendant de toute emprise politique, économique, religieuse ou idéologique.

Cette École de la République qui émancipe par le savoir, la rationalité critique et, donc forme de futurs citoyens éclairés, nous devons la défendre et la promouvoir.

Philippe Guittet



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