Revue de presse

H. Pena-Ruiz : "La laïcité doit ouvrir à la liberté" (Le Monde, 15 sept. 12)

16 septembre 2012

"l n’y a pas si longtemps, Nicolas Sarkozy osait dire : "Dans la transmission des valeurs et dans l’apprentissage de la différence entre le bien et le mal, l’instituteur ne pourra jamais remplacer le curé ou le pasteur." (Discours du Latran, décembre 2007.) On fut surpris d’une telle hiérarchie éthique entre l’instituteur et le curé. Quelle méconnaissance de la dimension émancipatrice de l’école laïque ! Inventée pour que les êtres humains puissent se passer de maîtres, en devenant maîtres d’eux-mêmes, une telle école exclut tout prosélytisme. Est-ce à dire qu’elle est indifférente à la morale ?
C’est ce qu’insinuèrent les adversaires de la laïcité, prétendant que la neutralité ainsi assumée conduisait au relativisme, voire au nihilisme. Pourtant, seul le souci universaliste de n’endoctriner personne préside à une telle neutralité, qui n’a aucun sens dès qu’il s’agit de distinguer le vrai du faux (l’évolutionnisme du créationnisme fixiste) ou le juste de l’injuste (l’antiracisme du racisme). La République laïque doit oser affirmer les principes qui la fondent. Ces principes se font alors valeurs et repères.

Mais voilà que les antilaïques adoptent une autre charge polémique, inverse de la première. Puisque les laïques défendent des principes et des valeurs, ils sont partisans, et de ce fait ne défendent qu’une idéologie particulière... Auparavant trop neutre, la laïcité ne l’est maintenant pas assez ! Voilà bien la mauvaise foi qui fait feu de tout bois et brouille tout.

Deux exigences indissociables se conjuguent dans l’école laïque : le souci de l’universalité et la promotion de l’autonomie de jugement. L’universalité, car une telle école est ouverte à tous, ne fait aucune différence entre les élèves ainsi invités au grand partage du savoir et de la réflexion. Nul ne doit y subir de prosélytisme religieux ou athée. Tel est le sens de la déontologie laïque, et du pari sur l’intelligence éveillée à elle-même qui fait la grandeur de l’enseignement public. Une telle conception n’a rien à voir avec la direction de conscience religieuse.

Mieux, elle est l’honneur de la République laïque, car elle au moins ne recourt à aucun prosélytisme. Condorcet inventa la notion d’instruction publique pour "rendre la raison populaire". L’autonomie de jugement, car nulle catéchèse, même morale, ne saurait prendre place dans l’école laïque. C’est bien la modalité, réflexive et critique, de l’enseignement, qui est ici en jeu. C’est sans doute ce que ne voulait pas voir M. Sarkozy en hiérarchisant à sa façon le prêtre et l’instituteur. Confondre cette approche laïque de la morale avec l’ordre moral relève du procès d’intention, assorti d’un amalgame peu honorable."

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