Revue de presse

"De Bordeaux à Viry-Châtillon, la bataille de normes au sein de l’islam fait des victimes" (A. Rosencher, L’Express, 18 av. 24)

(A. Rosencher, L’Express, 18 av. 24). Anne Rosencher, journaliste, directrice déléguée de la rédaction de "L’Express". 18 avril 2024

[Les éléments de la Revue de presse sont sélectionnés à titre informatif et ne reflètent pas nécessairement la position du Comité Laïcité République.]

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""Ça ne te regarde pas." Cinq mots simples avant de mourir. Politiquement très justes, quand on y pense. Mais nous y reviendrons : d’abord, récapitulons. Peu avant 20 heures, mercredi 10 avril, deux amis natifs d’Algérie sirotent des bières sur l’herbe, à Bordeaux, près du miroir d’eau, place de la Bourse. Un Afghan de 26 ans les interpelle et, dans un français approximatif, leur reproche de boire de l’alcool le soir de l’Aïd – sous-entendu : "vous qui êtes musulmans". Selon la procureure de la République, les deux hommes lui répondent alors : "Ça ne te regarde pas". Une altercation s’ensuit, au cours de laquelle l’Afghan sort un cran d’arrêt, et met fin à la vie d’un des deux amis. Le deuxième s’en sortira avec des blessures.

"Ça ne te regarde pas". La phrase, anodine, pourrait en vérité résumer l’esprit laïque. Dans l’espace public – la Cité –, la religion des uns et des autres ne nous regarde littéralement pas. Il n’y a pas de loi qui s’y applique autre que celle de la République ; aucune coutume ne saurait s’imposer aux principes que nous nous sommes choisis et façonnés. Or, depuis quelques années, cet esprit laïque est percuté par la bataille de normes qui se joue - en France comme ailleurs – au sein même de l’islam. Et qui porte sur ce qui signale et définit "un bon musulman". Tenues, nourriture, pratique… les plus rigoristes cherchent à imposer leurs codes par l’intimidation et arment culturellement des agresseurs en tous genres. Ici, des collégiens qui harcèlent une jeune fille ne portant pas le voile et s’habillant à l’européenne (comme cela s’est vraisemblablement passé à Montpellier, pour Samara). Là, des jeunes hommes qui tuent un de leur congénère, lequel a osé parler de "sexualité" avec une adolescente musulmane (comme Shemseddine à Viry-Châtillon). Là, encore, des hommes buvant de l’alcool, à Bordeaux.

Certains politiques, militants et commentateurs s’accommodent de ces rappels à l’ordre communautaires, particulièrement pesants dans certains bouts de France où la masse critique des plus radicaux intimide la majorité silencieuse. Est-ce par peur de se faire traiter d’"islamophobes" ? Est-ce par naïveté ? Ou par indifférence (planquée derrière le paravent de l’ouverture et de l’"inclusivité") ? Au nom du relativisme culturel, du "chacun-ses-mœurs-ne-stigmatisons-pas", certains acceptent que des Français et des Françaises se fassent rattraper par la patrouille de la rigueur religieuse. Pourtant, cette question nous regarde tous. Elle a des répercussions pour tous. "La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale. Elle assure l’égalité devant la loi de tous les citoyens, sans distinction d’origine, de race ou de religion." C’est le premier alinéa de l’article 1er de la Constitution. Il serait bon que tout le monde s’en souvienne."


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