Avec la participation du CLR

Alain Seksig : "École ou barbarie" (Conférence publique "Réparer la République", 16 oct. 23)

Alain Seksig, Inspecteur d’académie honoraire, membre du Conseil des sages de la laïcité. 23 octobre 2023

Intervention à la soirée du 16 octobre « Réparer la République » [1]

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Le 13 octobre 2020, le professeur des universités Bernard Rougier, l’un de nos plus fins analystes du danger islamiste, expliquait aux cadres de l’Éducation nationale de toutes les académies de France, réunis dans le grand amphithéâtre de la Sorbonne, que l’islamisme a depuis longtemps désigné « l’Occident dans son ensemble comme son ennemi principal avec, en son sein, une cible privilégiée, la République française et plus précisément encore, son École ». En appui de son propos, il citait des extraits du magazine en langue française de Daech : Dar al islam (n°7, décembre 2015). En voici quelques lignes.

« La laïcité est la séparation de la religion et des affaires de l’État. Le musulman, lui, sait qu’Allah est le seul législateur. L’Islam n’accepte pas la liberté de conscience […] la banalisation de la fornication et de l’homosexualité, la mixité, l’interdiction du hijab, le dessin des êtres dotés d’âme, la musique. […] En outre les mécréants et les musulmans ne sont pas égaux. Les hommes et les femmes ne sont pas égaux.

Il est clair que les fonctionnaires de l’éducation nationale qui enseignent la laïcité, tout comme ceux des services sociaux qui retirent les enfants musulmans à leurs parents sont en guerre ouverte contre la famille musulmane. »

Le mot guerre ne surgit évidemment pas là par hasard.

Tous ceux qui étaient présents à cette réunion du 13 octobre 2020 en Sorbonne ne sont pas prêts d’oublier les propos que leur avait alors tenus le professeur Rougier. La terrible preuve de leur incontestable pertinence devait rapidement éclater sous leurs yeux. À peine trois jours plus tard en effet, le 16 octobre 2020, le professeur Samuel Paty était assassiné dans les conditions que chacun sait.

Tout juste trois ans après ce crime, les mots de Bernard Rougier, tout comme les travaux de Gilles Kepel, Florence Bergeaud-Blacker et Hugo Micheron pour ne citer qu’eux, demeurent -et pour longtemps encore sans doute- d’une implacable actualité, trois jours après l’assassinat qui occupe depuis tous nos esprits, du professeur Dominique Bernard devant son lycée à Arras.

En 2020, de beaux esprits, à jamais responsables que de leur seule irresponsabilité et de leur lâcheté, laissaient entendre que Samuel Paty avait peut-être bien cherché ce qui lui était arrivé. « Oui, mais… » avait-on une fois encore entendu. « Oui, ce crime est odieux, mais était-il obligé de montrer des caricatures de Mahomet en classe ? » Non seulement Samuel Paty n’a utilisé ces caricatures que pour illustrer son cours sur la liberté d’expression, mais nous voyons bien aujourd’hui que le fanatique islamiste fiché S qui a commis le crime d’Arras, sans doute imprégné des exhortations du Hamas, ne s’est embarrassé d’aucun prétexte pour poignarder à mort un professeur. C’est en sa seule qualité de professeur que Dominique Bernard a été poignardé à mort. Et ce n’est pas un hasard si l’école est visée par l’obscurantisme fanatique. C’est qu’il s’agit bien du lieu sacré où se transmettent les connaissances et les valeurs quand la haine se nourrit de l’ignorance. L’école doit être protégée de la violence et du fanatisme.

Le meilleur hommage que nous pouvons rendre à nos deux collègues, sauvagement assassinés en raison de leur profession, auquel il nous faut ajouter le professeur Jonathan Sandler de l’école Ozar hatorah de Toulouse, éxécuté en mars 2012 avec deux de ses enfants par le terroriste Merah, est précisément de faire rempart au découragement, à la peur et au renoncement, qui ne doivent pas gagner nos salles de classe. C’est de résister aux tentatives d’intimidation et de nous montrer collectivement plus forts que la volonté d’imposer la peur. Au demeurant, notre institution, forte de son histoire, n’est pas dépourvue d’atouts que les déclarations et l’action du ministre Gabriel Attal depuis la dernière rentrée scolaire, sont venues renforcer.

À l’école, la laïcité n’est pas une priorité parmi d’autres et leur faisant éventuellement concurrence, mais la figure de proue d’une école consciente d’elle-même, c’est-à-dire consciente de ses missions et responsabilités au service de la société toute entière.

C’est en confiance, en cohérence et cohésion que l’action de l’école doit s’exercer, celle, individuelle et collective, des professeurs et de l’ensemble des personnels. Confiance, cohérence et cohésion, à la condition, il est vrai, qu’au-dessus des professeurs et chefs d’établissement et jusqu’au plus haut niveau de l’Institution, la même impulsion soit donnée. C’est aussi cela la leçon de Creil en 1989 : l’ensemble des personnels exerçant au sein de l’institution scolaire doivent pouvoir s’adosser à l’institution, sentir cette confiance pour l’insuffler à leur tour. Plus encore, il revient à la République et à la nation toute entière de se tenir résolument, et plus que jamais, aux côtés de l’École et de ses professeurs.

Dans une tribune intitulée "L’antidote à la paranoïa", parue en septembre 2003 dans Le Figaro, soit deux ans après le 11 septembre 2001, le grand écrivain israélien Amos Oz -qu’il me plaît à plus d’un titre de citer ici, aujourd’hui-, écrivait : « Il manque aux modérés la force de la conviction : ils ne sont pas saisis de la même ferveur que les fanatiques religieux lorsqu’ils défendent leur cause. Les modérés aujourd’hui ne doivent plus craindre de s’enflammer. Ceux qui connaissent l’alliance de la modération et de la détermination méritent d’avoir le monde en héritage, et ce parce qu’ils n’auront jamais lancé ni croisade ni jihad pour sa possession. »

En défense de nos idéaux démocratiques, de la République et de son école, ne craignons pas de nous enflammer !



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