Revue de presse

Abaya : la gauche "comme un chien aux yeux crevés" (Riss, Charlie Hebdo, 6 sept. 23)

(Riss, Charlie Hebdo, 6 sept. 23). Riss, directeur de "Charlie Hebdo". 6 septembre 2023

[Les éléments de la Revue de presse sont sélectionnés à titre informatif et ne reflètent pas nécessairement la position du Comité Laïcité République.]

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Lire "Comme un chien aux yeux crevés".

"Chaque rentrée scolaire promet d’être meilleure que la précédente. Chaque année scolaire se fixe pour objectif d’élever le niveau des élèves, de leur donner les outils dont ils auront besoin pour affronter la vie. Souvent, lorsqu’on passait des heures sur les bancs du collège à étudier des matières qui ne nous intéressaient pas, on se disait : « À quoi cela me servira, dans la vie, d’apprendre tout ça  ? » Raisonnement typique de l’âge bête, quand on croit avoir déjà tout compris, alors qu’on ne sait rien du tout.

Pour cette seule raison, l’interdiction de l’abaya est une ­excellente nouvelle. En effet, c’est un cas de figure qui prépare les ados à ce qu’ils devront faire quand ils seront adultes : apprendre à respecter la loi. Cette interdiction est un cours d’éducation civique grandeur nature. Dès le collège, on est un citoyen et les règles s’appliquent à vous comme à n’importe qui. Quelle belle opportunité pour ces jeunes de montrer qu’ils ont compris ce qu’est la loi et qu’ils sont déjà, à leur âge, capables de la respecter  !

On entend bien sûr des avis contraires, qui affirment que cette interdiction aura des effets « contre-productifs ». Que cela incitera certains élèves à enfreindre encore plus la loi. Si cela est vrai, en quoi leur comportement serait-il plus acceptable  ? Si la loi impose de rouler à 80 km/h au lieu de 120 km/h, au nom de quoi les chauffards seraient-ils légitimes à violer le Code de la route  ?

Cette histoire d’abaya illustre une question qui traverse toute la société, celle des limites. Il semble de plus en plus difficile d’imposer des règles nouvelles, de les faire appliquer, sans prendre le risque d’être accusé d’autoritarisme. Ce raisonnement, qu’on entend souvent à gauche, met en évidence une curieuse dérive : cette critique de la loi rejoint l’idéologie ultra­libérale qui conteste à l’État le droit de s’immiscer dans l’économie de marché. Une partie de la gauche est imprégnée d’une forme de libertarisme, cette idéologie qui ne supporte pas les interventions de la puissance publique.

De la même façon que la main invisible du marché est censée réguler les excès de la libre concurrence, les opposants à l’interdiction de l’abaya croient que les manifestations ostentatoires des religions se réguleront par elles-mêmes. Par l’opération du Saint-Esprit, probablement. Cette mentalité typiquement anglo-saxonne est visiblement partagée par une partie de la gauche dite radicale. Singulière convergence des luttes, qui démontre que bon nombre de ses partisans sont complètement déboussolés et avancent à tâtons, comme un chien aux yeux crevés perdu au milieu d’une autoroute. Pauvre bête… Pauvre gauche…

À droite, on aime parler du retour de « l’autorité ». À gauche, on aime dénoncer les dérives « autoritaires ». Cette branlette ­autour du mot « autorité » nous fait oublier que la seule chose qui compte est l’intérêt général. La fragmentation de la société en une multitude de microsociétés, désignée pudiquement par le terme « multi­culturalisme » et qui se traduit concrètement par le communautarisme et un repli sur soi généralisé, a atteint ses limites. Les limites, une fois de plus. Définir les limites est ce qu’on attend de la politique. En tous domaines. Pour l’école comme pour le reste. Les limites ne font jamais l’unanimité. Les braqueurs de banque n’aiment pas qu’on leur interdise de voler l’argent des autres. Les fraudeurs n’aiment pas que le fisc leur réclame ce qu’ils n’ont pas déclaré. Les violeurs n’aiment pas que la justice les envoie derrière les barreaux. Et les islamistes n’aiment pas qu’on interdise l’abaya."



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