Revue de presse

Z. El Rhazoui : « L’attentat de “Charlie”, un crime politique et idéologique » (lefigaro.fr , 30 août 20)

Zineb El Rhazoui, journaliste et essayiste. 1er septembre 2020

[Les articles de la revue de presse sont sélectionnés à titre informatif et ne reflètent pas nécessairement la position du Comité Laïcité République.]

"[...] Je ne pardonne pas à tous ces gens-là, à tous les islamistes qui ont encore pignon sur rue et continuent de prêcher la même haine. Je me souviens de tous ceux qui ont contribué à l’isolement et à la descente aux enfers de Charlie. Ils portent une responsabilité morale dans le sort qui a été réservé à Charlie. Est-il normal que cinq ans après cet horrible crime, cet horrible revers pour la liberté d’expression et même la culture française, il existe toujours un collectif contre l’islamophobie en France qui bénéficie de financements publics ou européens et distribue l’accusation d’islamophobie aux uns et aux autres, en mettant ainsi des cibles dans leur dos ? Il ne faut pas oublier que si les gens de Charlie ont été tués, c’est parce qu’ils ont été accusés d’islamophobie, un délit qui n’existe pas en France en droit français. Est-il normal que près de cinq ans après cet attentat je doive continuer à me balader avec des hommes armés en plein cœur de Paris alors que je suis pacifique, que je n’ai jamais fait de mal à une mouche, que je n’ai jamais violé la loi et que je suis dans mon pays ? Je voudrais pouvoir être libre, descendre prendre un café sans devoir m’organiser avec le ministère de l’Intérieur avant. Je voudrais pouvoir me promener sans crainte d’être reconnue et attaquée dans mon intégrité physique. L’intégrité morale, n’en parlons même pas, toutes les personnes qui osent critiquer l’islam en France et ailleurs dans le monde démocratique sont diffamées, disqualifiées, accusées, sans vergogne, d’être des gens d’extrême droite. On n’est pas sortis de la confusion idéologique, de l’hypocrisie et de la médiocrité intellectuelle qui a généré des attentats comme celui de Charlie Hebdo.

Vous vous êtes portée partie civile lors du procès qui s’ouvre après-demain. Qu’en attendez-vous ?

Je suis partie civile, mais je le dis avec beaucoup d’humilité par rapport à d’autres qui ont subi des pertes humaines ou vivent avec la douleur et le handicap. Moi, je n’étais pas là. Je n’ai pas été blessée dans ma chair, je n’ai pas vu la scène traumatique et c’est une bénédiction pour moi. Cela dit, j’aborde ce procès en constatant avec amertume une grande absente au banc des accusés : l’idéologie qui a conduit à cet attentat. Il n’est pas possible de considérer les crimes terroristes comme des crimes de droit commun. Il me tient donc à cœur qu’il soit dit que cet attentat n’est pas un crime de droit commun, mais un crime politique et idéologique. Quel fut son mobile ? La foi en Allah des attaquants (qui ont crié d’ailleurs "Allah Akbar" en arrivant, ce qui veut dire qu’Allah est plus grand que vous, plus grand que tout, la grandeur absolue). Parfois je me demande ce que l’on aurait dit si, après la Seconde Guerre mondiale, nous avions continué à juger les crimes nazis comme des crimes de droit commun, tout en continuant à permettre des pièces de théâtre, des livres, des associations nazies. Cela aurait été monstrueux et c’est exactement ce que nous sommes en train de faire avec l’islamisme alors que c’est une idéologie qui a commis des crimes de masse. Une idéologie qui cible tous nos acquis démocratiques, nos libertés. Il y a là un écueil philosophique que je dénonce.

Appréhendez-vous ce procès ?

Oui, je l’appréhende plus que je n’en attends de soulagement. La famille de Charlie va se réunir à nouveau, pour la première fois depuis ces années. Tout va être mis sur la table. Cela risque d’être très dur. On n’a jamais vu de photos de la scène du crime. Cela va obligatoirement remuer des choses traumatiques et douloureuses pour tout le monde. J’espère que ce procès répondra à un maximum de questions et fera du bien aux familles des décédés et des blessés. J’espère aussi que cela sera un moment de prise de conscience.

Partagez-vous le constat de l’avocat Richard Malka, qui estime, dans Le Point, qu’en matière de liberté d’expression et de laïcité la situation a empiré depuis 2015 ?  [1]

Je partage complètement cette opinion. Aujourd’hui, où que le regard se pose dans l’espace public, on voit des manifestations de l’islamisation de la société. Pourtant, le déni est encore très répandu. Même si le discours de l’État a évolué, les actes demeurent néanmoins encore timorés ou insuffisants face à l’ampleur de cette lame de fond de l’islamisme qui monte, au point de devenir visible partout, dans toutes les strates de la société. Dans la rue, dans les endroits chics, populaires, dans les transports, les musées, à la plage, dans les administrations, l’école, la police, l’armée, l’hôpital, l’université. Partout. Les gens commencent à en prendre conscience et ils sont tétanisés. Ils ont vu que quelque chose a changé en très peu de temps. Désormais, il y aura toujours une très grande minorité musulmane en France, cela fait partie de l’anthropologie. Et le fait que cette minorité soit en plus en butte à des problèmes identitaires la rend très vulnérable et poreuse aux pires idéologies de l’islamisme. Pendant des années, on a tout fait pour battre en brèche le concept de l’assimilation, qui est quand même à la base de la République. On a remplacé l’assimilation par l’intégration, qui a laissé logiquement la place au multiculturalisme. On a tout fait aussi pour aller au bout de l’antiracisme, on a même interdit les statistiques ethniques. On se rend compte aujourd’hui que cet antiracisme est en train d’être dévoyé, de prendre des couleurs racialistes, devenant une espèce d’étendard derrière lequel se cachent des courants de pensée profondément racistes comme l’islamisme, l’indigénisme, etc. Plus nous attendrons pour agir, moins il sera facile de vaincre le problème.

À vous entendre, il y a eu en fait depuis des années une espèce de « trahison des clercs » ?

Il y a eu une trahison de la République par ceux qui en étaient dépositaires et garants. Il y a des élus aujourd’hui qui sont des complices, j’ai envie de dire des « collabos », comme toute personne qui trahit les valeurs de son pays pour s’allier à des idéologies sanguinaires. Certains députés ont fait la courte échelle aux pires formes du sectarisme islamiste, tout cela pour avoir quelques votes supplémentaires. Certains partis politiques aussi. On ne peut que constater la dérive d’une partie de la gauche qui n’est laïque que lorsque l’on parle du vieux christianisme. Cette gauche s’est fourvoyée, la droite est moins attaquable dans le discours mais les compromissions électorales locales n’y manquent pas non plus. Donc, oui, il y a eu trahison et on assiste à une fuite en avant des représentants de l’État. On nous parle désormais d’une loi contre le séparatisme ; l’intention est vertueuse mais il faudrait peut-être commencer par appliquer les lois existantes avant d’en faire d’autres. [...]"

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