Revue de presse

Souâd Ayada : "Pour l’École, ne rien céder" (Marianne, 2 juin 22)

Souâd Ayada, philosophe, ex-présidente du Conseil supérieur des programmes. 10 juillet 2022

[Les éléments de la revue de presse sont sélectionnés à titre informatif et ne reflètent pas nécessairement la position du Comité Laïcité République.]

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"[...] Je me souviens des combats qu’il a fallu livrer pour soutenir un enseignement ordonné du français et des mathématiques qui mette à distance les tenants de l’idéologisation de la langue et du constructivisme critique en mathématiques, pour défendre la légitimité des notions de transmission et d’autorité et rendre ainsi caduques les doctrines pédagogiques qui la nient, pour éviter que les contenus des enseignements du lycée ne prétendent initier les élèves à des objets mis à la mode par la recherche contemporaine en sciences sociales. [...]

Tous les ministres de l’Éducation nationale qui se sont succédé ont exprimé les convictions qui guidaient leur conception de l’École. Certains se sont agacés des convictions de Jean-Michel Blanquer, de sa défense farouche de la laïcité, de son refus de voir une religion servir à des opérations de déstabilisation idéologique et de promotion d’un militantisme, fût-il intellectuel, de son hostilité à l’égard des tenants de la nouvelle culture de l’éveil. De quoi donc se mêlait-il en prenant position sur des sujets fort éloignés de son périmètre ? La question ainsi posée révèle l’ignorance de ce qui se joue réellement à l’École et qui n’est pas seulement affaire de réformes. D’une part, elle considère comme des éléments de contexte ou comme un cadre extérieur ce qui anime l’École de l’intérieur.

Promouvoir une conception claire de la laïcité, débusquer sous le prétendu éveil contemporain le profond sommeil d’une raison gagnée à des préjugés devenus des normes, dissoudre les constructions qui font d’une religion le prête-nom de la cause de tous les faibles, ce n’est rien de moins que délimiter l’espace de l’étude et favoriser cette disponibilité de l’esprit qui fait que les professeurs enseignent, que les élèves apprennent et que les étudiants étudient. D’autre part, elle fait fi d’un lien substantiel particulièrement prégnant en France : le pouls idéologique de la société retentit immédiatement sur l’École qui en est la plaque sensible ; l’École fournit à la société les ingrédients pour composer cette sauce idéologique. [...]

Les principes et les idéaux de la République configurent la chose scolaire laquelle, en retour, leur donne une dimension concrète et une effectivité. Trois d’entre eux méritent attention : l’universalisme formé à l’aune de l’humanisme intégral et qui ne peut s’accommoder des différences quand elles se donnent pour but de le détruire ; la laïcité, cet implicite au cœur de l’éthos républicain qu’il convient de prémunir contre les efforts conjugués de ceux qui veulent la déconstruire ; l’État de droit démocratique qui confère à toutes les institutions des prérogatives, même celles d’un usage légitime de la violence qui reviennent à certaines d’entre elles.

On a bien des raisons de mettre en avant la méritocratie comme ce qui témoigne typiquement de l’heureuse unité de la République et de l’École. En effet, l’accès aux plus hautes fonctions dépend en France non de l’origine sociale mais de la force morale dont on fait preuve, du travail accompli et des efforts consentis pour s’arracher à sa condition et se perfectionner. Mais il convient de ne pas oblitérer tout ce qui rend possible et réelle la méritocratie républicaine, l’élévation à l’universel, la juste compréhension de la laïcité et la reconnaissance intériorisée des pouvoirs de l’État. [...]"

Lire "Pap Ndiaye succède à Jean-Michel Blanquer : "Pour l’École, ne rien céder", rappelle Souâd Ayada".


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