Revue de presse

Riss : "Le retour des pue-la-sueur" (Charlie Hebdo, 15 av. 20)

16 avril 2020

[Les articles de la revue de presse sont sélectionnés à titre informatif et ne reflètent pas nécessairement la position du Comité Laïcité République.]

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"[…] Voilà qu’on découvre, à l’occasion d’une épidémie d’un autre siècle, ce qui est en réalité indispensable. De la nourriture, et donc des agriculteurs pour la produire, ainsi que des caissières de supermarché pour nous la vendre. De l’hygiène, et donc des éboueurs pour nous éviter d’être envahis par la vermine. De l’eau courante, et donc des employés des services des eaux pour ne pas attraper la gale. Manger, rester propre et ne pas se faire contaminer. Tout le reste devient brusquement secondaire.

Nous découvrons la rusticité. Même si les plus riches dans leur résidence secondaire auront plus de facilités que les plus pauvres entassés dans 30 m2, elle s’impose à 67 millions d’habitants d’un même pays, soudain préoccupés par des problèmes identiques.

Cette rusticité à laquelle nous sommes confrontés depuis un mois a mis sur le devant de la scène des créatures dont on avait fini par négliger l’existence tant elle semblait due à notre confort de vie. Les caissières, les agriculteurs, les éboueurs, les manutentionnaires et une multitude de métiers manuels, physiques qui ne peuvent être accomplis qu’avec de la sueur sous les bras et des chaussettes qui puent à la fin de la journée. Les pue-la-sueur sont de retour. La sueur, depuis longtemps bannie de notre société de ­déodorants et d’after-shave. Et voilà qu’on découvre qu’ils ont nos vies entre les mains, leurs grosses mains calleuses jamais manucurées, pendant qu’on tape dans les nôtres bien propres chaque soir à nos fenêtres pour les remercier de mettre les leurs dans la boue.

Réapprendre la rusticité, celle de la transpiration et des mains écorchées, c’est réapprendre à hiérarchiser la société différemment. Ou plus exactement à ne plus la hiérarchiser. Car le mépris dont les métiers physiques et manuels sont l’objet depuis des décennies résulte d’une classification sociale violente, imposée par la puissance de l’argent. L’argent s’est arrogé le droit de donner une valeur à toute chose, mais cette valeur est bidon, comme le démontre l’effondrement de la Bourse et du PIB. La seule valeur sûre, c’est l’humain et ses mains moites qui travaillent, c’est l’individu et son corps fatigué qui sue. Sans ces organismes vivants et primitifs, aucune société ne tiendrait debout. […]"

Lire "Le retour des pue-la-sueur".


Voir aussi dans la Revue de presse la rubrique Crise du coronavirus (note du CLR).


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