Table ronde sur la fin de vie

Pour la liberté de l’aide active à mourir (E. Piot, Convention citoyenne du Chablais, Thonon-les-Bains, 9 mars 23)

par Etienne Piot, président du CLR Savoie Mont-Blanc Léman. 3 avril 2023

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Un groupe de citoyens a souhaité décliner à l’échelon local la démarche de la Convention Citoyenne sur la Fin de Vie. C’est ainsi que ce groupe a organisé trois tables-rondes lors de réunions publiques.
La première sur les conceptions religieuses et philosophiques, la deuxième sur ce qui se fait dans ce domaine en Suisse et la troisième, avec des soignants, sur les soins palliatifs et le vécu de soignants.

La première table ronde regroupait un pasteur protestant, un imam, un rabbin, un prêtre catholique et le président local du Comité Laïcité République. Les animateurs ont posé cinq questions aux cinq intervenants, puis il y a eu des questions-réponses avec la salle (160 personnes).
Voici mes réponses.

Question 1 : Quelle place tiennent la mort et la fin de vie dans vos convictions ?

Je ne représente pas une religion avec son dogme et son discours officiel. Je combats pour la liberté absolue de conscience, c’est à dire que chacun se construise sa propre opinion, dans le droit fil de la philosophie des Lumières. « Sapere aude ! », « ose penser par toi même », « ose savoir », comme le dit Emmanuel Kant. En d’autres termes, la seule chose que je puisse partager, ce sont mes convictions personnelles.

Qu’est-ce que la mort ? Est-ce que c’est un néant définitif ou est-ce que c’est un passage vers une autre vie, que certains appellent « vie éternelle » ? Personne n’en sait rien, car personne n’a vécu cette expérience. Je me méfie profondément de tous ceux qui me promettent la vie éternelle et me vendent le paradis en échange de mon obéissance, de ma docilité ou de l’application de préceptes « tu dois, il faut,... ». Je n’ai pas besoin d’un catéchisme pour vouloir faire le bien, aimer la vie, la beauté et la compagnie de mes amis. Je crois que la mort et la vie sont intrinsèquement liés l’une à l’autre, comme les carreaux noirs et blancs sur un damier, comme le yin et le yang de la philosophie chinoise. Il n’y a pas de vie si il n’y a pas de mort, et réciproquement. Et si la mort doit être une fin, elle doit être surtout une motivation à vivre une vie bonne, épanouie, heureuse, ouverte aux autres.

Question 2 : Quel est votre avis sur la loi Claeys-Leonetti ?

Nous somme réunis pour débattre de la loi Claeys-Leonetti sur la fin de vie. Comme vous le savez, une convention citoyenne travaille sur ce sujet. Ce sont 185 citoyens tirés au sort, qui se réunissent pendant 27 jours, ont auditionné 65 experts et vont faire des propositions au gouvernement. Les membres de cette convention disent à 84% que la loi actuelle ne répond pas aux attentes et à 97% que le cadre actuel doit être amélioré. Interrogés par l’IFOP, 78% des Français souhaitent que cette convention encourage un changement de la loi avec la légalisation de l’euthanasie et du suicide médicalement assisté.

En effet, la situation en France sur cette question est d’une hypocrisie absolue. Selon l’INED, entre 2000 et 4000 personnes terminent leur vie chaque année grâce à l’assistance active d’un médecin ou de soignants, alors que ces médecins ou soignants risquent jusqu’à 30 ans de prison !

La loi actuelle, c’est la logique du « laisser mourir » par sédation profonde et continue. Qu’est-ce que ça veut dire ? Arrêt de l’hydratation et de l’alimentation du patient, et une agonie pouvant durer plusieurs heures ou plusieurs jours.

Par ailleurs, les personnes atteintes d’une mesure invalidante mais non létale à court terme (par exemple, maladie de Charcot, maladies neuro-dégénératives) n’ont pas accès à la sédation profonde et continue.

Plusieurs centaines de personnes chaque année vont en Belgique ou en Suisse pour mourir comme elles l’entendent. C’est compliqué, c’est cher (environ 9 000 €) et ça n’est pas à la portée de tout le monde.

Imaginez que vous êtes dans une situation où la vie vous est devenue insupportable, que ce soit en raison de la souffrance, de la fatigue, de l’usure, de la solitude ou autre. Vous souhaitez terminer paisiblement votre vie, dans les conditions et avec les personnes que vous aurez choisies. Dès lors se pose la question : comment faire ?

Se mettre une balle dans la tête ? Se trancher les veines ? Se jeter du 6ème étage ? Qui a envie de cela ?
Et si vous êtes à l’hôpital ou dans un EPAHD , c’est quasiment mission impossible.

Question 3 : Quelles seraient vos propositions envers une personne qui évoquerait son choix de vie dans le cadre actuel ?

Je conseillerais à cette personne que la loi change et s’améliore.

Question 4 : Quel est votre avis sur une modification de la loi ?

J’attends d’un État républicain et laïque qu’il reste indépendant des églises et des confessions, et qu’il permette à ceux qui le souhaitent de finir leur vie comme ils le souhaitent, sans avoir à aller à l’étranger, sans avoir à compter sur la complicité de soignants qui prendraient de gros risques.

Avec le Comité Laïcité République, dans le droit fil du combat laïque pour l’égalité femmes-hommes, pour le droit à la contraception, pour le droit à l’avortement, pour l’autorisation du mariage pour les couples de même sexe, nous militons pour la liberté de l’aide active à mourir.

Le droit de mourir fait partie des droits de l’Homme. Le droit de mourir comme nous l’entendons est peut-être notre ultime liberté.

Question 5 : Est-ce qu’à votre avis la France est en retard sur ces questions et pourquoi ?

Plusieurs pays ont dépénalisé ou légalisé l’euthanasie et/ou le suicide médicalement assisté. Alors pourquoi la France est en retard ?

Nous avons en France deux lobby très puissants.

  • Celui des mandarins, ces pontes de la médecine (que je distingue tout à fait des médecins et soignants de terrain), qui considèrent que seule la médecine est détentrice de la vie.
  • Celui des cléricaux, qui considèrent que seul dieu donne la vie et que seul dieu peut la reprendre.

Je suis désolé, mais je ne crois pas en dieu, comme d’ailleurs 51% des Français.

Je respecte tout à fait les croyances de celles et ceux qui croient en Dieu, quel que soit le nom qu’ils lui donnent, et bien sûr, personne, absolument personne ne les oblige à faire usage du suicide assisté. Qu’ils n’en interdisent pas l’usage à ceux qui ne croient pas.

Etienne Piot



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