Propositions

Pour l’Ecole de la République (Commission Ecole et République du CLR, 9 av. 23)

par la commission Ecole et République du CLR. 9 avril 2023

La proposition de loi de la Droite sénatoriale « pour une école de la liberté, de l’égalité des chances et de la laïcité », qui doit être discuté en séance publique mardi prochain 11 avril, est un nouveau mauvais coup porté à l’Ecole dans la droite ligne de « l’Ecole du futur » d’Emmanuel Macron. Certes deux articles reprennent les propositions du CLR et bien sûr nous y adhérons.
L’essentiel de cette proposition de loi propose une véritable expérimentation de « l’Ecole du futur » et donc une remise en cause profonde du cadre national de l’École républicaine.

Rappelons ce que prônait le président de la République le 2 juin dernier à Marseille.
« Rebâtir le projet pédagogique au niveau d’un établissement scolaire et donner la possibilité que l’enseignant recruté partage ce projet ».
C’est exactement le sens de la proposition de loi dans son article 1 qui organise, dans le cadre d’une expérimentation une autonomie quasi complète d’établissements, sur la base de contrats avec les Recteurs de région académique et… éventuellement les collectivités de rattachement. Cela concerne la définition de la carte scolaire, l’affectation des enseignants, l’allocation et l’utilisation des moyens budgétaires, l’organisation pédagogique, et les dispositifs d’accompagnement des élèves.
Prenant comme modèle le fonctionnement de l’enseignement privé, ces propositions favorisent une concurrence entre établissements et entérinent des écoles à plusieurs vitesses. Ce projet est dans ligne de l’OCDE et des préconisations européennes.
La volonté d’autonomie totale des établissements peut, dans les conseils d’administration des établissements du second degré et les conseils d’école du premier degré, faire le jeu de tous les groupes de pression ou d’influence, y compris ceux qui portent des positions communautaristes ou identitaires, et chercheront à imposer une orientation anti-laïques voire cléricales.

Cette proposition de loi permettrait que le projet de chaque établissement scolaire, pour lequel seraient recrutés les enseignants, se dresse contre l’idée même de programme national donc d’examens et de concours nationaux.
Laisser s’engager ce processus, c’est favoriser aussi le recrutement de personnels contractuels, au détriment des enseignants fonctionnaires, en dévalorisant les savoirs ; c’est amplifier encore le processus de précarisation des professeurs, c’est à terme supprimer le recrutement par concours à l’issue de la formation initiale des professeurs, comme le souhaite la Cour des Comptes.

Rappelons notre attachement à un recrutement national et une affectation des enseignants par le ministère et les services académiques. Nous ne pouvons que déplorer les constats, années après années, d’une école française inégalitaire, socialement marquée et ce du fait d’une ségrégation scolaire importante. Il ne s’agirait pas d’y ajouter une inégalité renforcée en déléguant aux établissements le recrutement qui viendrait voir arriver pléthore de candidats dans certains établissements quand d’autres n’en auraient pas.
Il serait pourtant préférable de modifier la carte scolaire pour permettre une meilleure mixité sociale des élèves, y compris par des fermetures et des reconstructions d’établissement.
La mixité sociale est un enjeu contre la ghettoïsation. Cette ghettoïsation est renforcée par les stratégies d’évitement scolaires (inscription dans l’enseignement privé ou stratégies de contournement).
L’indice de position sociale (IPS), calculé par le ministère, indique que le privé sous contrat, pourtant subventionné par l’Etat, recrute les élèves les plus favorisés sans respecter les règles de carte scolaire de l’enseignement public.
Comment se dégager de son milieu familial, social et culturel lorsque l’Ecole ne répond pas à cet objectif de mixité sociale ?
Rien ne doit remettre en cause le caractère national de l’Ecole publique, ses programmes, ses examens, ses personnels.
Cette opération revient à priver tout professeur de sa liberté pédagogique, que le caractère national et obligatoire des programmes vient guider, protéger et éclairer.
La République a besoin d’enseignants convaincus de la dimension émancipatrice de leur enseignement Il faut des professeurs expérimentés, des professionnels assurés, des équipes stables.
Seul le maintien des concours et d’un recrutement national, associé à une formation initiale et continue définie par les Inspections générales disciplinaires, permettra de renforcer la professionnalisation des enseignants.
C’est aussi à ce niveau que doivent être abordés l’histoire et les enjeux de la laïcité dans la République.
L’urgence est donc de reconstruire la formation des maîtres dont le recrutement connaît une crise sans précédent. Ce métier doit être revalorisé sur le plan financier mais aussi symbolique. Cette formation doit être d’un haut niveau universitaire, en harmonie avec les inspections générales disciplinaires qui rappellent les contraintes et les responsabilités pédagogiques.
Cela n’implique pas un recrutement à Bac+5, qui est une des conditions de la fuite de nombreux candidats potentiels. Pourquoi ne pas recruter à bac+3 et organiser la formation dans des Ecoles normales supérieures à l’échelle régionale pour tous les professeurs ? Tout professeur, formé dans ces conditions, détiendra tous les codes de ce qu’attend l’Ecole de la République pour assurer la réussite de ses élèves. Tout professeur formé dans ces conditions sera en capacité à maîtriser les savoirs à enseigner, condition de son autorité auprès des élèves, dans tout établissement du territoire de la République.
De nombreux responsables éducatifs évoquent comme seule priorité la bienveillance au lieu de la juste indulgence associée à une véritable ambition pour la réussite de tous. En conséquence, ce sont, le plus souvent, l’alignement sur le moins disant culturel et intellectuel ainsi que la victimisation sociale ou ethnique qui prévalent. L’élève ne construira pas seul son propre savoir et, pour s’élever, il aura besoin que son professeur ait avec lui une exigence de guidance et d’autorité. C’est dans l’exigence qu’un haut niveau de connaissances devrait être transmis aux élèves.
L’école de la République doit être conçue comme le lieu où l’on apprend, dès le primaire, à maîtriser les savoirs élémentaires (lire, écrire, compter, vivre en société), puis couvre tous les champs du savoir et du questionnement scientifique. L’École doit donner les mots pour comprendre tous les langages littéraires, scientifiques, techniques, artistiques, fondement de l’esprit critique.
Donner des mots émancipateurs à chacun, c’est aussi se prémunir contre la violence et tous les fanatismes.
Ce sont les conditions de l’accès à l’autonomie dans l’apprentissage et de l’émancipation à plus long terme.

Cette proposition de loi prend le contre-pied de la tradition républicaine qui fait de l’Ecole un lieu d’émancipation et non de simple socialisation.
Ces propositions sont inspirées par un libéralisme oublieux de l’intérêt à long terme de la Nation.
L’Ecole libère car elle aide chacun à se défaire des pressions sociales et culturelles souvent subies par l’élève.
Il nous faut aujourd’hui être capable de réinstituer l’Ecole de la République.
Ne pas laisser cette Ecole être mise dans une concurrence déloyale avec face au réseau diocésain de l’École privée, trop largement subventionné par l’État, voire être elle-même démembrée, c’est afficher notre engagement à construire un service public d’Education engagé et au service de la transmission des principes républicains.
Cette Ecole publique laïque est celle d’un espace impartial, indépendant de toute emprise politique, économique, religieuse ou idéologique.
Cette Ecole de la République qui émancipe par le savoir, la rationalité critique et donc forme de futurs citoyens éclairés, nous devons la défendre.



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