Contribution

Oui, la laïcité est en danger ! (2)

par Edouard Moreau. 13 décembre 2022

En 2012, le président de la République François Hollande installe un Observatoire de la laïcité, à la présidence duquel le pouvoir nomme Jean-Louis Bianco. Lequel n’aura de cesse de proclamer : "La France n’a pas de problème avec sa laïcité" (Le Monde, 26 juin 2013), "Je ne crois pas que la laïcité soit en danger" (publicsenat.fr , 27 novembre 2017), « La laïcité n’est pas menacée » (ladepeche.fr , 13 décembre 2017).

Là est le noeud du désaccord.

Voir la première partie Oui, la laïcité est en danger ! (E. Moreau).

Des élus locaux se livrent à des surenchères communautaristes et clientélistes : Bagnolet, Béziers, Bobigny, Bordeaux, Denain, Drancy, Neuilly, Roubaix, Saint-Denis, Trappes, Grenoble ("Grenoble, laboratoire des radicalités", L’Express, 2 juin 22 ; "Municipales : le clientélisme, ça marche !", lepoint.fr , 25 juin 20 ; G. Davet : "Il y a un slogan en Seine-Saint-Denis : ’une mosquée, trois mandats’", Europe 1, 18 oct. 18)... En violation de la Loi de 1905, des collectivités locales financent des infrastructures confessionnelles (Lyon, Rhône-Alpes, Paris...), bénéficiant d’une certain bienveillance du Conseil d’Etat, lequel assimille le « cutuel » au « culturel » (une argumentation reprise par la propagande pour le foulard islamiste). 
Les crèches de Noël se multiplient au sein même les mairies ou sièges de collectivités territoriales (autorité publique), alors qu’il suffirait de les installer quelques mètres plus loin, sur la place de la cité (espace civil). Des élus locaux, mais aussi des représentants de l’Etat, participent à des cérémonies religieuses, comme le vœu des échevins à Lyon ou au Vatican pour la « béatification » d’un Français. Tout récemment, des politiciens ont tenu des réunions politiques dans des lieux de culte, en violation de l’article 26 la Loi de Séparation de 1905. Ont-ils été sanctionnés ? Non.

Au fond, au-delà de la séparation, c’est la liberté de conscience qui est, partout, la cible numéro un des fondamentalismes religieux. Les sectes prospèrent, en particulier sur la thématique de la santé depuis le début de la crise de la Covid.
Des « imams » font des prêches misogynes, homophobes, antisémites... Par exemple, à Brest, un imam clamait que les enfants qui écoutent de la musique seront transformés "en singes ou en porcs" (letelegramme.fr , 24 sep. 15). Il a obtenu son diplôme en "religions, droit et vie sociale", dont l’objet est "d’assurer une formation civique et citoyenne, notamment pour former des référents laïcité dans divers domaines de la vie professionnelle ou associative". (francetvinfo.fr , 20 déc. 17). Entre parenthèses, il est assez pénible de suivre cette actualité parsemée d’âneries, par exemple "Pour un groupe salafiste, la tomate est un aliment « chrétien » à bannir" (lemonde.fr , 27 juin 12).

Les musulmans qui souhaitent quitter ou changer de religion sont dénigrés, objets d’intimidations, voire pire. Et « quand un musulman dénonce l’islamisme, il passe pour un traître » (Kamel Daoud, Le Point, 10 fév. 22). Des lieux de culte sont incendiés, une procession catholique est victime de menaces : « Sur le Coran je vais t’égorger » (décembre 2021)... Dans certaines villes, le repas de la cantine scolaire est un casse-tête (Cantines : à Villeurbanne, jetons verts pour les "sans-viande", jaunes pour les "sans-porc", lepoint.fr , 1er nov. 12), parfois on indique même aux musulmans supposés (devinez à partir de quel critère) qu’ils n’ont pas à choisir un repas avec du porc.
Il est impossible dans certains quartiers de trouver un restaurant qui n’est pas « halal ». Alors que plus de la moitié des Français se déclarent « sans religion » ! Le « business halal » se répand. Des quartiers voire des communes entiers ne disposent plus de commerce alimentaire non halal (« Bordeaux : dans l’épicerie, des jours pour les hommes et d’autres pour les femmes », Sud Ouest, AP, francetvinfo.fr , europe1.fr , 22 juin 15).

La liberté d’expression, corollaire de la liberté de conscience, recule inexorablement. Le délit de « blasphème », qui n’existe pas en France, est insidieusement rétabli quand la critique des religions donne lieu à des menaces voire des violences, comme le montre l’affaire de la jeune Mila. Quand la prétendue « islamophobie » est le prétexte à manifestations, compagnes d’opinion ou procédures judiciaires (Elisabeth Badinter : "Se faire traiter d’islamophobe est une arme contre la laïcité", France Inter, 6 jan. 16). Exemple parmi d’autres, en janvier 2022, une enquête de "Zone interdite", sur M6, sur l’islamisme, en particulier à Roubaix, donne lieu à une levée de bouclier. On y voit des magasins qui vendent des poupées sans visage ou un restaurant séparant les femmes des hommes (Des musulmans : « Nous voulons dénoncer fermement les pratiques islamistes séparatistes, mises en évidence dans le reportage de "Zone Interdite" », Le Monde, 2 fév. 22)...
Dans la jeunesse, « la liberté d’expression, un socle de la création gagné de haute lutte durant Mai 68, est sacrément ébranlée ». « Un tiers des jeunes déclarent que leur religion s’impose aux lois de la République – une majorité pour les jeunes musulmans –, […] la laïcité est souvent perçue comme le moyen de discriminer, les moqueries contre le fait religieux passent de plus en plus mal » (« En découvrant les valeurs de la jeunesse, le monde culturel constatera, en creux, que la liberté d’expression est sacrément ébranlée », M. Guerrin, lemonde.fr , 5 nov. 21). Quarante ans après Coluche et Desproges, n’importe quelle opinion est, au nom du « respect », susceptible d’être interdite d’expression, sous prétexte que tel ou tel s’en trouverait « offensé ». Des débats publics sont empêchés, non seulement à l’université mais aussi dans l’espace civil. De réactionnaires, les censeurs sont devenus « progressistes » (Gérard Biard, Charlie Hebdo, 18 nov. 20). On songe à la phrase de Beaumarchais dans Le Mariage de Figaro : « Pourvu que je ne parle ni de l’autorité, ni de la politique, ni de la morale, ni des gens en place, ni de l’opéra, ni des autres spectacles, je puis tout imprimer librement, sous la direction, néanmoins, de deux ou trois censeurs. » 

(A suivre)


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