Revue de presse

"Mariage gay, halal… les bigots mettent la pression" (liberation.fr , 12 fév. 13)

14 février 2013

"Les polémiques religieuses se sont mutlipliées ces dernières années, polluant jusqu’au discours politique.

[...] Comme à chaque grand débat de société - pilule, avortement, divorce par consentement mutuel -, l’Eglise catholique a fait irruption dans le débat sur le mariage pour tous. Prêchant pendant des mois contre un texte qui ne parle pourtant que de mariage civil, quand les autres religions opposées au projet se sont contentées de messes basses. Le début de cette ascension ? L’Assomption. En ce 15 août, la première ligne du projet de loi n’est pas écrite que le cardinal André Vingt-Trois transmet une prière pour la France, à lire dans les paroisses. Les fidèles sont invités à prier pour que « les enfants et les jeunes […] cessent d’être les objets des désirs et des conflits des adultes pour bénéficier pleinement de l’amour d’un père et d’une mère ». La base est posée : le droit de l’enfant sera au cœur de la rhétorique.

En septembre, le cardinal Barbarin prend le relais. Et s’en prend à un mariage qui ouvrirait la voie « à la polygamie et à l’inceste ». Voilà pour l’amalgame destiné à frapper les esprits. La dramatisation est assurée avec la saillie « rupture de société ». Plus rond, mais aussi musclé, Vingt-Trois redéboule en novembre. Peu avant la présentation du projet de loi en Conseil des ministres, il redit son rejet devant les évêques de France. Les expressions de « supercherie » et de « pression ostentatoire de lobbys » sont lancées. Mais, surtout, il appelle les chrétiens à saisir leurs élus en « leur écrivant des lettres, en les rencontrant et en leur exprimant leurs convictions ». La croisade bat son plein.

Après une grande manif en novembre, le défilé du 13 janvier est une apothéose avec près de 500 000 participants. Officiellement, l’Eglise - elle l’a dit et redit - n’en est pas l’organisatrice. Mais ses réseaux ont joué à fond. Le patron des évêques est là pour saluer le défilé place Denfert-Rochereau. Et, à 16 heures, lorsque le cortège passe devant l’église Saint-François-Xavier, la nef est vide mais les cloches sonnent à tout va.

Absent ou inaudible sur la plupart des grands débats sociétaux (la famille, la fin de vie, la sexualité, la bioéthique…), l’islam, deuxième religion de France, est paradoxalement surprésent dans le débat public français. Qu’il s’y invite ou qu’on le convoque, bien souvent au corps défendant des musulmans de France.

Depuis la fin des années 80 et les premières affaires de voiles à l’école, l’islam ne surgit dans l’arène publique que sur des sujets qui le concerne directement, généralement pour interroger ses pratiques et la façon dont elles heurtent, ou pas, la laïcité et ses diverses interprétations. Après les premières affaires de voiles, suivies des propositions de la commission Stasi en 2004, il y a eu, sur fond de montée des intégrismes et d’affirmations identitaires, les polémiques sur les salles de prières clandestines, la construction de mosquées, la burqa, les prières de rues, la mixité dans les piscines, les incidents dans les hôpitaux publics et, dernièrement, le halal. [...]

Sur le mariage pour tous, le CFCM a pourtant publié un long communiqué. Plutôt modéré par rapport à la position de ses homologues catholiques. Opposé « au mariage de deux personnes de même sexe », le Conseil musulman a tenu à préciser : « Compte tenu du principe de laïcité […], nous sommes conscients que les règles et les normes d’une religion ne peuvent être mises en avant pour s’opposer ou se soustraire aux normes et aux règles de la République qui s’appliquent à tous. » Une parole tombée dans l’indifférence générale.

Depuis 2005 et le débat sur la constitution européenne soumise à référendum, la question de la place de la religion catholique a fait son retour dans le débat public. Le préambule de ce texte devait faire mention des « racines chrétiennes » de l’Europe. Une petite phrase qui a déclenché, à droite et plus encore à gauche, une levée de boucliers de la part des défenseurs de la laïcité à la française, c’est-à-dire d’une stricte séparation des Eglises et de l’Etat. [...]

Nicolas Sarkozy aura été le premier à donner un coup de canif à cet élément essentiel du pacte républicain. Lors de son discours prononcé à Saint-Jean-de-Latran à Rome en décembre 2007, le président de la République estime que « la laïcité n’a pas le pouvoir de couper la France de ses racines chrétiennes », oubliant au passage que la loi de 1905 s’est d’abord voulue comme une loi d’émancipation sociale. Il s’agissait de libérer les citoyens de toute emprise du pouvoir religieux. Lors d’une convention européenne, en 2008, il revient sur les racines chrétiennes de l’Europe. « Il suffit de survoler la France pour voir son long manteau d’Eglises », avait-il alors déclaré.

Pendant la campagne, le candidat Hollande a tenu à se démarquer de son rival en proposant d’inscrire dans la Constitution la loi de 1905. Oubliant que son article 1 stipule déjà que la France est une République « une, indivisible, laïque et sociale ». Depuis 498 et le baptême de Clovis, la France, fille aînée de l’Eglise s’est largement émancipée."

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