Revue de presse

"Les salafistes des champs" (Marianne, 12 mai 22)

24 mai 2022

[Les éléments de la revue de presse sont sélectionnés à titre informatif et ne reflètent pas nécessairement la position du Comité Laïcité République.]

"À la fin des années 1980, un groupe d’obédience salafiste se fixe à Artigat, petit village de l’Ariège, autour d’Olivier Corel, surnommé « l’Émir blanc ». Longtemps une exception au sein du mouvement salafiste, le modèle d’Artigat semble faire des petits.

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[...] Surnommé « l’Émir blanc », il est apparu à plusieurs reprises depuis les années 2000 dans des dossiers judiciaires liés au terrorisme. Il lui a notamment été reproché d’avoir joué le rôle de mentor spirituel de toute une palanquée de djihadistes redoutables, de la fratrie Merah aux frères Clain, en passant par Sabri Essid ou Thomas Barnouin. Ce qui a valu aux locaux de voir régulièrement débarquer au cours de ces quinze dernières années des escouades de gendarmes ou de policiers en civil, planquant tant bien que mal dans les sous-bois ou interrogeant les badauds l’air de rien. [...]

Au plus fort de la communauté, une dizaine de familles vivent dans le hameau. En 2019, lors du procès d’Abdelkader Merah, le frère de Mohammed Merah, Christian Balle-Andui, ancien directeur régional du renseignement, raconte que la communauté d’Artigat « se vit comme une société secrète avec des rites d’allégeance ». Selon lui, ses membres se voient même « comme une aristocratie religieuse ». La vie de la communauté est rythmée par les leçons coraniques de Corel, l’élevage de cailles ou la fabrique de poteries vendues sur les marchés.

L’un des proches d’Olivier Corel, Antonio Faura Perez, est ainsi immatriculé au Registre du commerce et des sociétés comme entrepreneur individuel dans le commerce de détail alimentaire sur éventaires et marchés de 1988 à 2010. Corel, lui, s’occupe de ses chevaux, une véritable passion, et multiplie les allers-retours à Toulouse, où, selon l’audition d’Antonio Faura Perez lors de l’enquête sur l’explosion de l’usine d’AZF – la piste terroriste avait un temps été étudiée –, « il était réellement imam [...] dans la mosquée de la dalle Maurois ». Plus connue sous le nom de mosquée de Bellefontaine, c’est entre ses murs que les frères Clain auraient embrassé l’idéologie salafiste au contact de Corel…

Mais la communauté d’Artigat va faire long feu et se disloquer autour des années 2010 sans que filtrent les raisons de ses dissensions. Selon une récente enquête de la Dépêche du Midi, « aujourd’hui, seules deux, peut-être trois, familles sont identifiées comme radicalisées. L’État n’a d’ailleurs pas vu d’objection au fait que deux petites filles qui habitent à deux pas de "l’Émir blanc" fassent l’objet d’une instruction à domicile ». Les quelques maisons ont été vendues à des Anglais, des Irlandais ou des Toulousains en mal de nature.

La communauté a fait parler d’elle une dernière fois en septembre 2021, lors de la dissolution par décret de l’association Nawa centre d’études orientales et de traduction, créée en 2008 et localisée à Pamiers, en Ariège, une commune distante d’une vingtaine de kilomètres d’Artigat. Le gouvernement lui reprochait de promouvoir « un islam extrémiste par la diffusion d’ouvrages ». Détail qui n’en est peut-être pas un, le beau-père du président de Nawa n’est autre qu’Antonio Faura Perez…

Unique à son époque, la communauté salafiste d’Artigat était peut-être « avant-gardiste ». Dans une note en date du 10 décembre 2014 révélée par France Info en 2015, les services de renseignement français soulignaient que si « le développement de l’islam radical est régulièrement décrit dans les cités sensibles des grandes agglomérations », désormais « un autre phénomène, certes limité mais concernant plus spécifiquement des zones rurales, retient l’attention. En effet, plusieurs départements ont observé l’installation en zone rurale de groupes de fidèles, essentiellement des convertis, adeptes d’un islam rigoriste ».

Interrogée sur le sujet, une source au sein du renseignement français abonde dans ce sens : « Nos noyaux durs ne sont plus forcément en banlieue, comme à Trappes car ils se savent sous surveillance. Ils préfèrent s’installer dans des villes moyennes ou des villages où ils sont peu nombreux. » Selon elle, « il y a des foyers de salafs un peu partout mais ils ne sont pas radicalisés pour la plupart. Ils veulent pratiquer l’islam comme à l’époque du Prophète, à l’écart de la société moderne ». Et, d’après les surveillances effectuées, précise notre source, « les hommes travaillent souvent comme chauffeurs VTC ou dans les transports en commun, et les femmes, lorsqu’elles travaillent, dans les services après-vente téléphoniques ou les instituts de sondages, ce qui leur permet de rester chez elles ». Avec deux maîtres mots : rigorisme et discrétion…"

Lire "La communauté des "salafistes des champs" de l’Ariège a fait des émules".



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