Revue de presse

Les réunions interdites aux blancs, "une pratique qui se banalise" (lefigaro.fr , 21 mars 21)

22 mars 2021

[Les éléments de la revue de presse sont sélectionnés à titre informatif et ne reflètent pas nécessairement la position du Comité Laïcité République.]

"[...] L’organisation de réunions, ateliers, forums… réservés à certains groupes qui s’estiment victimes de discriminations est en réalité une pratique ancienne et assez habituelle au sein de la gauche militante, en particulier parmi les syndicats étudiants. [...]

Elle s’inscrit dans un concept plus large, théorisé aux États-Unis au moment de la conquête des droits civiques et repris à leur compte par les militants LGBT et ceux du mouvement de libération des femmes : le « safe space », en français « espace sûr », ou « espace positif ». Le principe ? Lorsqu’un groupe d’individus s’estime victime de discriminations « systémiques » subies en raison de l’une de ses caractéristiques identitaires (sexe, couleur de peau, orientation sexuelle…), il se regroupe dans de tels espaces afin que ses membres puissent partager au sujet de leur expérience de marginalisation en demeurant à l’abri d’éventuels harcèlements ou témoignages de haine. Le principe de ces safe spaces, qui se traduisent par des événements organisés en « non-mixité », c’est-à-dire interdits (aux hommes, aux Blancs, aux hétérosexuels…), bien que répandu, est néanmoins contesté depuis ses débuts. [...]

La mixité au sein du combat pour l’obtention des droits civiques a toujours été un sujet polémique au long de l’histoire du mouvement - certains militants doutant même des motivations de leurs alliés blancs, qui pouvaient être taxées de paternalisme ou d’hypocrisie. Surtout, le cœur de ce débat s’articule autour d’une question centrale : faut-il être soi-même victime de discriminations pour pouvoir légitimement les dénoncer dans l’espace public ? Telle n’était pas en tout cas la position de militants antiracistes célèbres, tel Frantz Fanon, qui interpellait dans ses écrits les Noirs comme les Blancs, les invitant à s’unir dans une lutte fraternelle pour l’égalité et la justice : « Je veux vraiment amener mon frère, Noir ou Blanc, à secouer le plus énergiquement la lamentable livrée édifiée par des siècles d’incompréhension » (Peau noire, masques blancs, 1952).

Le même débat s’installe aujourd’hui lorsque des événements non mixtes sont organisés par la communauté LGBT ou le mouvement de libération des femmes. De nombreux intellectuels et militants proches des nouveaux combats de la gauche identitaire promeuvent la non-mixité comme un outil de lutte aussi bien que comme une protection. Ainsi, Caroline de Haas, créatrice en 2009 du mouvement Osez le féminisme !, qui s’explique à ce sujet dans un article publié en 2016 sur le blog qu’elle tient sur Mediapart. Elle y raconte s’être posé la question de la non-mixité, préférant d’abord ne pas y recourir, avant de changer d’avis après avoir comptabilisé le temps de parole monopolisé par les hommes lors des réunions du mouvement. Elle juge que la non-mixité permet de mieux entendre les témoignages des femmes : « La mixité, même dans un mouvement féministe, ne garantit pas l’égalité », conclut-elle. Dans un discours prononcé en 2006, la sociologue féministe Christine Delphy était allée plus loin en expliquant que « dans les groupes dominés-dominants, c’est la vision dominante du préjudice subi par le groupe dominé qui tend à… dominer. Les opprimés doivent non seulement diriger la lutte contre leur oppression, mais auparavant définir cette oppression elles et eux-mêmes ».

Depuis, les ateliers en non-mixité n’ont cessé de se multiplier lors des événements militants et au sein des syndicats étudiants, et font l’objet de polémiques. Ainsi de réunions organisées par le comité « féminisme » de la Nuit debout du printemps 2016. Ou d’un camp décolonial organisé en non-mixité raciale à l’été 2016 par les militantes Sihame Assbague et Fania Noël. Ces ateliers sont monnaie courante dans les événements organisés par le syndicat SUD-éducation : la fédération du 93 avait fait l’objet d’une vive condamnation de la part de Jean-Michel Blanquer en 2017 pour ce motif. Ou encore à l’Unef et chez Solidaires Étudiant-e-s, deux syndicats à la pointe sur les thématiques féministes et décoloniales [...]"

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