Revue de presse

"Le procès des « backrooms » du club Le Manhattan" (Le Monde, 21 jan. 22)

10 août 2022

[Les éléments de la revue de presse sont sélectionnés à titre informatif et ne reflètent pas nécessairement la position du Comité Laïcité République.]

"Interpellés en 1977 dans ce bar parisien, des homosexuels refusent pour la première fois de faire acte de contrition et utilisent leur procès comme une tribune contre la « répression »."

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"[...] « Police ! » Le petit commando équipé de lampes torches et d’un projecteur est dirigé par l’inspecteur Duval, « spécialisé dans l’outrage public », précisera par la suite Libération, engagé depuis toujours dans la défense des minorités sexuelles. Toujours selon Libé, l’inspecteur intervient sur « dénonciation ». Les jalousies sont vives entre les patrons de boîte depuis que le monde de la nuit se développe à toute vitesse : en cette fin des années 1970, Paris compte 86 lieux de rencontre gay, sans oublier les 65 saunas. La brigade des stupéfiants et du proxénétisme a été informée que le Manhattan reçoit « des individus se livrant à des ébats sexuels collectifs ». Deux incursions discrètes, au printemps, s’étaient révélées vaines : pas d’« outrage » ces soirs-là. Mais les enquêteurs en avaient profité pour repérer les lieux…

Ce soir de mai, le groupe de policiers – dix inspecteurs, un commissaire divisionnaire – interpelle neuf personnes en flagrant délit d’outrage public à la pudeur, ainsi que les deux cogérants. Sur le procès-verbal, cité plus tard par Libération, cela donne le constat suivant : « Marc et Jean, pantalon baissé, sexe apparent et en érection, se masturbent mutuellement. » Erick et Jean-Paul font de même, mais « individuellement, en observant les agissants d’un trio : José suçait la verge de Philippe, tandis qu’il masturbait Michel, qui lui rendait le même service », ont consigné les policiers avec cette sobriété décalée jusqu’à l’absurde. « Oui, ça devait être à peu près ça », sourit Michel Chomarat près de quarante-cinq ans plus tard. [...]

Michel Chomarat se dit qu’il va « perdre [son] job » et n’en « mène pas large » en arrivant au Palais de justice. Là, il découvre « un monde fou, fou ! Des militants tractaient sur notre affaire ». Tous les journaux de gauche étaient présents. Seul L’Humanité reste en retrait : pour le Parti communiste, l’homosexualité est une « déviation bourgeoise ». [...]

Les avocats des prévenus se sentent « plutôt bardés », témoigne aujourd’hui Me Claudette Eleini, qui défendait l’un des comparses de Michel Chomarat. « Nous avons expliqué qu’il ne pouvait y avoir outrage à la pudeur puisque les policiers savaient où ils mettaient les pieds, que ce lieu était privé et qu’ils s’étaient déguisés façon cuir ! Ils étaient venus débusquer l’outrage à la pudeur, ils ne pouvaient se considérer comme outragés. » Cette féministe de la Ligue du droit des femmes a convoqué un grand témoin, le sénateur radical de gauche Henri Caillavet [1]. Un pionnier : il vient d’imposer au Parlement le premier débat sur la suppression du « délit d’homosexualité ». [...]

Le 28 février 1981, le pourvoi de Michel Chomarat est rejeté. « Vous vous rendez compte de ce que ça signifiait pour moi, fils de résistant, neveu de maquisard, d’être condamné par une loi de Vichy ? » Jusqu’ici, il n’avait jamais milité pour un parti ou une cause, tout juste participé, six ans plus tôt, dans l’église Saint-Nizier de Lyon, à la révolte des prostituées « contre le harcèlement policier ». Alors que l’hiver touche à sa fin et que la campagne présidentielle bat son plein, il décide de taguer dans les pissotières lyonnaises l’appel à rallier, le 4 avril, la grande marche nationale des droits et des libertés des homosexuels, organisée à Paris. Et distribue des tracts : « Votez François Mitterrand ! »"

Lire "Le procès des « backrooms » du club Le Manhattan, moment symbolique dans l’histoire des luttes homosexuelles".

[1Qui sera président du Comité Laïcité République (note du CLR).


Voir aussi dans la Revue de presse le dossier Le Monde : Homosexualité, « Les années clandestines » (2022) dans la rubrique Homoxexuels (note du CLR).


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