Revue de presse

"Le collège d’Ollioules ne sera pas baptisé « Samuel Paty »" (lefigaro.fr , 27 jan. 21)

29 janvier 2021

[Les éléments de la revue de presse sont sélectionnés à titre informatif et ne reflètent pas nécessairement la position du Comité Laïcité République.]

"Le maire souhaitait que l’établissement porte le nom du professeur décapité, mais enseignants et parents d’élèves s’y sont opposés.

Par Stéphane Kovacs et Caroline Beyer

Après tout, « les eucalyptus, c’est l’histoire de la région », fait remarquer une enseignante… À Ollioules, dans le Var, le collège des Eucalyptus gardera donc son nom guilleret. Le maire souhaitait le rebaptiser, en hommage à Samuel Paty, ce professeur d’histoire-géographie décapité par un islamiste en octobre. « On avait eu l’accord de la famille, celui du principal de l’établissement, indique-t-on à la mairie. La délibération devait être présentée samedi au conseil municipal ». C’était sans compter les enseignants et les parents d’élèves : ils s’y sont catégoriquement opposés.

« C’est pour moi un symbole fort de la République, a expliqué le maire (LR) Robert Bénéventi à France Bleu Provence. À Ollioules, nous avons la place Jean-Jaurès, lui aussi assassiné, la rue Gabriel-Péri, assassiné par les nazis. Donc pour moi, c’était évident de saluer la mémoire de Samuel Paty. » Sollicités par un sondage interne, la totalité des professeurs, 89 % des parents et 69 % des élèves ont rejeté le projet. « Pourquoi prendre un risque inutile ? interroge Sandra Olivier, professeur de mathématiques et représentante du Snes, le principal syndicat du secondaire. Cela fait de nous des cibles. Ensuite, c’est un peu dommage de porter un nom qui n’a pas de lien avec notre commune. Nous avons déjà une rue du Colonel-Arnaud-Beltrame pas très loin du collège, cela fait beaucoup d’histoires lourdes de sens pour un établissement qui accueille un jeune public. » Très déçu et embarrassé, Robert Bénéventi, qui a « retiré la délibération », ne « souhaite plus s’exprimer », indique son cabinet. « Je ne leur en veux pas, car c’est l’état d’esprit général de notre pays, a-t-il confié à France Bleu. C’est la pusillanimité qui règne aujourd’hui. On ne s’en rend pas compte, mais nous sommes en train de laisser filer les valeurs de la République. »

Du côté des parents d’élèves, on salue une « volonté très louable ». « Mais rendre hommage, ce n’est pas simplement débaptiser un collège, avance Sophie Huygen, présidente de la Peep à Ollioules. Le meilleur moyen d’honorer la mémoire de Samuel Paty, c’est d’investir dans l’éducation. » Même discours chez les enseignants : « On a laissé entendre que nous nous couchions ; ce n’est pas le cas, se défend Sandra Olivier. On peut aussi rendre hommage avec des cérémonies commémoratives annuelles, des fresques, et surtout, en continuant de faire vivre la liberté d’expression. »

Toute autre ambiance à Voreppe, en Isère. En novembre, le maire a fait voter la création d’un espace Samuel-Paty, devant le collège André-Malraux. « Après le choc, l’émoi et le recueillement, vient le temps de la prise de conscience qu’il ne faut rien lâcher sur nos valeurs fondamentales », écrit Luc Rémond dans son bulletin municipal. « Cet emplacement aura valeur de symbole fort auprès des jeunes générations, explique-t-il au Figaro. Il n’y a pas eu de réserves des enseignants ni de qui que ce soit. »

À Cap-d’Ail, dans les Alpes-Maritimes, c’est une école maternelle que le maire a décidé de rebaptiser. « J’ai reçu de nombreux messages de soutien, raconte Xavier Beck, mais aussi des réflexions stupéfiantes, du genre ‘‘Mais qui est-ce M. Paty pour qu’on lui rende un tel hommage ? ou ‘‘Pourquoi pas donner son nom à un escalier ?. Bref, les parents d’élèves trouvaient que c’était très bien de lui rendre hommage, mais ailleurs… » L’édile ne reculera pas. « La cérémonie se fera en juin, dès que les conditions sanitaires le permettront, promet-il. Il faut marquer de façon solennelle le fait que notre conception de la République n’est pas celle des islamistes. »

À Ollioules, « quoi qu’il arrive il y aura un hommage, insiste-t-on à la mairie. On se réunira lundi pour en définir les modalités. En attendant, il va falloir écrire aux parents de Samuel Paty pour leur expliquer tout ça… » Ancien inspecteur de l’Éducation nationale, auteur de Comment on a laissé l’islamisme pénétrer l’école [1], Jean-Pierre Obin n’est « pas surpris » par cette affaire. « Je me mets à la place de ces professeurs qui se savent la cible des islamistes. La peur progresse à vitesse grand V », s’afflige-t-il. Le récent sondage Ifop pour la fondation Jean -Jaurès, mené auprès des enseignants, est éloquent : la moitié d’entre eux disent s’être autocensurés au cours de leur carrière, sur les questions de laïcité et de religion.

« Je comprends la peur de personnes qui ont probablement des familles et qui n’ont pas signé pour prendre des risques, assure Me Richard Malka, avocat de Charlie Hebdo. Mais c’est ainsi que tous les fascismes progressent. Une minorité déterminée impose le silence, interdit, par la terreur intellectuelle puis physique, toute opposition. Ensuite vient la soumission, et enfin la justification de cette soumission avec de beaux arguments. Car il faut bien en trouver pour se regarder encore… » Une « soumission volontaire devant le péril », renchérit l’historien Georges Bensoussan, qui a dirigé l’ouvrage Les Territoires perdus de la République . « Demain on pourra réfléchir à tête reposée aux facteurs qui auront nourri la défaite qui s’annonce, conclut-il. Reste qu’en premier lieu figurera la lâcheté ordinaire qui fait les accommodements déraisonnables. »

Lire "Le collège d’Ollioules ne sera pas baptisé « Samuel Paty »"

[1Éditions Hermann, 2020.



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