Le CLR à la réunion de NPNS à Montreuil (18 mai 10)

par Marie-Danielle Gaffric 21 mai 2010

Ce mardi 18 mai, Ni Putes Ni Soumises organisait un meeting à Montreuil sur un thème d’actualité, la loi sur l’éventuelle interdiction du voile intégral dans l’espace public. NPNS ne cachait pas son soutien à une loi d’interdiction.

La réunion se déroulait dans une école maternelle. Il fallait, pour y accéder, descendre un étroit escalier en contrebas de la rue. C’est là que nous nous retrouverons coincés, plus tard, lorsque le meeting dégénérera.

Plusieurs adhérents du Comité Laïcité République étaient venus participer à ce meeting. La présence dans la salle de femmes voilées et d’hommes arborant un keffieh me fit présager dès le début que rien ne se passerait facilement. Pour tout avouer, je me suis attendue au pire. La salle était géographiquement divisée en deux, d’un côté ceux venus pour en découdre et pour saboter le débat, de l’autre ceux venus pour dialoguer démocratiquement.

J’étais assise plutôt du côté des militants islamistes dont j’ai appris depuis qu’ils font partie d’un groupe baptisé « Collectif Cheikh Yacine » en l’honneur de l’ancien chef du Hamas commanditaire des attentats suicides en Israël. Pour être plus précis, ce « collectif » serait la section en France de l’internationale du djihad que la charte du Hamas proclame.

Etaient présents au côté de Sihem Habchi, la présidente de l’association NPNS, les députés Jean-Pierre Brard et Manuel Valls. Chacun d’entre eux prit la parole calmement alors que des cris et des protestations venus du groupe des militants islamistes commençaient à s’élever. Sihem tenta d’établir la règle démocratique du jeu : chacun aura droit à la parole et devra écouter celui qui s’exprimera.
Peine perdue : en dehors de quelques rares accalmies s’établit un dialogue de sourds entre les deux parties de la salle. De toute façon le commando islamiste, illustré par un lot de femmes diversement voilées, était en mission : provoquer, intimider, perturber. Bien décidés à occuper le terrain, les hommes prirent la parole au nom des femmes, en fait ils ne la prirent pas, ils la hurlèrent.

Tous les poncifs des « indigènes de la République » furent énoncés : le colonialisme, l’islamophobie, la victimisation systématique et, cerise sur le gâteau, tout le bien que la religion musulmane a apporté aux femmes dont… l’héritage. Un comble quand on sait qu’en Tunisie où Bourguiba libéra les femmes du joug masculin, c’est le seul droit qu’il n’osa amender. Dans une famille musulmane, tunisienne ou autre, une femme n’a droit qu’à la moitié de l’héritage d’un homme, son frère.
Interprétons : pour ces « fous de Dieu » du sexe dominateur, cela doit paraître déjà beaucoup, voire trop !

Entre les hurlements, quelques musulmanes essayèrent de dire la possibilité de pratiquer leur foi sans s’exhiber enveloppées dans du tissu. Un Algérien sexagénaire (c’est lui qui l’a révélé) expliqua que le voile n’était pas un vêtement traditionnel dans l’Algérie de son enfance et que ce pays était fondamentalement laïque.

Peine perdue, les intégristes gueulards et déterminés du collectif interrompaient tout discours qui ne leur convenait pas. Quand la journaliste soudanaise Loubna al Hussein témoigna, racontant qu’elle avait été condamnée à quarante coups de fouets pour avoir osé porter un pantalon, puis, après une rapide exégèse du Coran, affirmant que le voile n’avait rien à voir avec l’Islam, les cris redoublèrent. Une empaquetée de service, assise tout près de moi, affirma qu’en France on n’était pas loin de ce type de condamnation.

Le hurleur en chef dénia à Loubna le droit d’interpréter le Coran. Une femme, sacrilège !

Et le concert des lamentations reprit sur les thèmes accusant « la République prétendument laïque » de priver les jeunes filles depuis 2004 d’aller à l’école et bientôt de priver les femmes de sortir dans la rue.

Résumons leurs propos. Notre laïcité interdirait la liberté de conscience dont elle se prévaut. Je n’ai pas compris par quel mystère Voltaire fut même utilisé en exemple à l’appui de leur démonstration. Voltaire à la sauce fanatique !! Il dut se retourner dans sa tombe !

Bien entendu, tout cet argumentaire s’adressait aux deux députés présents. Les militantes de NPNS qualifiées de « pantins » n’avaient droit qu’au mépris. Sihem, désolée, tenta en vain de raisonner ces musulmans hurleurs : « Vous rendez-vous compte de l’image que vous donnez de l’Islam ? » En vain, une femme “nue” (sans voile) ne mérite même pas un regard.

Les députés J.-P. Brard et M. Valls avaient évoqué dans leur discours préliminaire la dignité de la femme. « Dignité », le mot était lâché. Quand Manuel Valls utilise le mot « dignité » ce mot recouvre des valeurs abstraites et universelles. Quand un islamiste l’utilise, ce mot recouvre des faits concrets relatifs.

Analyse lexicologique du substantif « dignité ». La dignité de la femme musulmane est d’ordre spatial. Elle se mesure en surface de peau visible aux yeux de tous. Aucune intériorité. Une femme courageuse, altruiste, autonome, dotée de générosité et de grandeur d’âme et pourquoi pas de toutes les vertus humanistes imaginables est une femme indigne si elle montre un cm² de sa peau à un homme autre que son mari. Quand on a compris cela, on a tout compris. Pour protéger ces cm² de peau féminin de la lumière du jour, tout est bon : la mauvaise foi, la victimisation, les accusations les plus diverses, tout est bon ! L’archétype de la femme indigne a nom Carla Bruni qui a osé poser nue ! Aucun doute n’est possible : si ces fanatiques prennent le pouvoir en France, la Vénus de Milo sera emburqanée !!

Obsession numéro un : la peau visible des femmes ! Obsession numéro deux : les Juifs. Que viennent-ils faire dans cette galère, me direz-vous ? Bonne question, sans réponse ! Il faut réussir à intégrer ce fait particulier de la psychologie islamiste. Le sémantisme du mot « juif » est détenteur d’une valeur absolue. Juif = coupable. La personnalité juive honnie a nom E. Badinter : une femme, une juive, une intellectuelle, tout pour plaire. Inutile d’argumenter, la nommer était déjà une grossièreté. Un seul argument clairement accusateur fut lâché : les femmes juives ont la tête rasée et, elles, on ne les persécute pas ! Scoop d’un intérêt assez faible et n’ayant qu’un rapport lointain avec le sujet. S’il faut interdire aux chauves de se promener dans la rue, alors, qu’on diminue les effectifs de la police, cela posera problème.

Excédée par les discours tenus derrière moi, je me suis retournée : « J’en ai assez d’entendre vos propos antisémites. » Réponse : « On n’est pas antisémites mais antisionistes. » A quoi bon discuter ? J’ai haussé les épaules.
On dit que le summum de l’endoctrinement réside dans le fait que l’esclave intègre ses chaînes. Nous en eumes un exemple vivant, encore que… !

Vêtue de blanc mais pas forcément de probité candide, une « Française de souche » convertie s’offrit sa minute de célébrité. Elle se leva, et, au milieu de l’assistance, joua les mannequins. C’était Carla Bruni en négatif. Je n’en dirai pas plus. Ce serait méchant.

En laïque convaincue, je respecte la liberté de conscience même si, en l’occurrence, il s’agissait là, plutôt, de la liberté d’inconscience. Cette dame tenta de nous faire partager sa révélation, une expérience mystique unique. Catholique fervente, elle entendit l’appel et se convertit avant de s’ensevelir dans du tissu. De blanc amplement recouverte et arborant un voile qui enchâssait son visage d’une coiffe façon mère Teresa, elle revendiqua sa liberté. Pas de mari, pas de frère, pas de père, c’est librement qu’elle soustrait à la concupiscence masculine ses opulents attributs féminins. Elle virevolta avec grâce et tenta de faire partager son expérience personnelle à l’aide de trémolos émouvants. C’était « Les feux de l’amour », le séducteur avait nom Allah et Mahomet était son prophète. Avant de retourner s’assoir, elle avoua ne plus pouvoir se passer de sa pudique vesture et commencer à rêver d’un niqab.
Esclavage volontaire ou désir d’une gloire toute relative ??? Ça se discute.

Je levais le doigt très haut car je voulais évoquer ce problème de dignité associé à la non surface de peau visible,quand on entendit un grand vacarme. Au secours, fuyons ! Tandis qu’Annie Sugier montait bravement sur une table pour comprendre ce qui se passait, je me cachais derrière un panneau.
Le reste me fut raconté.

Un énergumène à bout de patience et ne supportant plus tous ces discours impies se décida à passer de la violence verbale à la violence physique. De justesse, il manqua assommer une étudiante. A ce moment la pagaille fut totale.

La police appelée en renfort nous coinça tous dans la salle, le goulet d’étranglement qui menait à la rue étant sévèrement gardé.

Il fallut patienter tandis que la police enquêtait. Je m’assis songeuse à côté d’une dame aux cheveux gris. Obsédée par la question que je n’avais pas réussi à poser en dépit d’un index furieusement dressé, je lui exposais ma théorie sur la Vénus de Milo. La regardant, je fus saisie d’un doute et lui dis : « Je vous connais ? » Elle me répondit tristement : « Je m’occupe de la maison des Babayagas de Montreuil. Si vous saviez ce que ces femmes me racontent. Comme elle sont malheureuses ! »

Alors je repensais à l’attitude des deux députés présents. Attitude rassurante quant à l’avenir de la République et, pour tout dire, quant à notre avenir de femmes. Avec la certitude sereine de leurs convictions laïques et républicaines, calmes et dignes, ils ont argumenté. Manuel Valls a été particulièrement remarquable. Il s’est dressé et au centre de toutes ces vociférations qu’il a réussi à maîtriser en partie, il a dit (à quelques mots près) : « Tout ce que je viens d’entendre renforce ma certitude de la nécessité d’une loi contre le voile intégral. » Il a ajouté : « Ici on a tenté d’éprouver la République et ses représentants. Je ne me laisserai pas faire ! »

Marie-Danielle Gaffric



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