Revue de presse

"Langues régionales : une leçon de hollandisme" (E. Conan, Marianne, 6 nov. 15)

6 novembre 2015

"Encore raté. Encore réussi. Le dernier épisode de ce vieux feuilleton de la ratification de la Charte européenne des langues régionales offre un condensé de la rouerie de François Hollande. La politique pour faire semblant. Ne pas y croire mais tout faire comme si. Et, en passant, piétiner les grands principes. Pour de petits calculs électoraux à quelques semaines d’élections régionales redoutées.

Cela fait plus de trente ans que le Parti socialiste joue avec les revendications linguistiques. En 1984, il avait déposé une proposition de loi pour instaurer le « droit à la différence linguistique et culturelle » en faveur des « communautés ayant une langue différente du français ». Il voulait que l’Etat garantisse l’usage des langues régionales dans tous les actes de la vie publique : justice, police, services publics. Une taxe spéciale sur les contrats d’assurance devait financer le coût énorme de ce multilinguisme. En 2012, c’était encore l’« engagement 56 » des « 60 engagements pour la France » du candidat Hollande : « Je ferai ratifier la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires. » Il a attendu le bon moment. L’année des élections régionales. Tout en sachant que cela échouerait. Comme avant.

La dernière tentative, celle de Lionel Jospin en 1999, n’avait pas dépassé le stade du Conseil constitutionnel. Qui jugeait contraire à la République française cette charte du Conseil de l’Europe élaborée sous l’influence d’un lobby ethniciste œuvrant à la fin des Etats-nations au profit d’une Europe des régions ethniques. Et Jacques Chirac, en tant que garant des institutions, s’était alors opposé à une révision constitutionnelle. François Hollande n’a pas cette pudeur. Pour adapter la Constitution à la charte, un projet de loi constitutionnelle a été présenté en Conseil des ministres le 31 juillet dernier. Malgré l’avis négatif rendu la veille par le Conseil d’Etat jugeant cette révision « gravement inopportune ». Ce qui peut se traduire par « attentat juridique » dans le langage diplomatique de ces juristes bien élevés. Tous les spécialistes de droit constitutionnel sont en effet tombés à la renverse en lisant le texte du projet. Du jamais-vu de mémoire de prof de droit : la révision de la Constitution pour ratifier la charte s’accompagnerait d’une « déclaration interprétative » disant que la France n’accepte pas ce qu’il y a d’inconstitutionnel dans la charte tout en la ratifiant quand même ! L’Elysée n’a pas réussi à calmer ces amoureux du droit un peu trop sensibles en leur expliquant qu’ils se faisaient du mauvais sang pour rien. Qu’il n’y avait rien à craindre, cette plaisanterie n’irait pas très loin : il n’existe évidemment pas de majorité politique pour une telle révision, qui doit être approuvée par trois cinquièmes des parlementaires réunis en Congrès.

Tout ce cirque a un autre but. D’abord, en passant, mettre en difficulté la droite, très divisée sur cette question. Tout comme la gauche de la gauche, le Parti communiste s’étant converti à l’ethnicisme de la charte quand Jean-Luc Mélenchon s’est enflammé au quart de tour pour dénoncer « l’institutionnalisation du communautarisme linguistique » qui « disloque l’égalité et la République ». Lui croit encore aux grands débats. Comme Jean-Pierre Chevènement, qui parle d’« initiative surréaliste ». Alors qu’il ne s’agit une fois de plus que d’amadouer quelques groupuscules folkloriques qui servent de précieux alliés au PS dans certaines régions. Ils pèsent peu, mais leur rôle électoral s’est déjà révélé décisif dans le passé.

Le combat pour la ratification de la charte de ces alliés locaux précieux est plus prosaïque que ne le pense Mélenchon. Il ne s’agit pas tant d’aider des langues guère plus parlées et dont l’apprentissage, pour ceux qui le souhaitent, est très largement subventionné. Mais plutôt de créer nombre d’emplois publics pour ses rares locuteurs militants. [...]"

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