Revue de presse / Tribune

"Laïcité : l’école et les enfants d’abord !" (Libération, 10 déc. 07)

Texte commun d’associations et de syndicats. 10 décembre 2007

"En mai dernier, la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité (Halde) a donné raison à des mères d’élèves qui s’étaient vu refuser la possibilité d’accompagner des activités pédagogiques parce qu’elles arboraient un voile islamique. Ne pas faire la distinction entre les différentes situations où des parents d’élèves sont en lien avec l’école est une erreur, lourde de conflits, déjà bien présents par endroits.

Quand des parents ou d’autres personnes sont autorisés par les directions d’école à participer à l’encadrement d’activités d’éducation, avec des élèves en situation d’apprentissage, ils deviennent, de facto, des auxiliaires éducatifs aux côtés des enseignants qu’ils accompagnent. Dissocier le professionnel de l’accompagnateur occasionnel illustre une réelle méconnaissance de notre système scolaire. Qu’il soit ou non rémunéré ne change rien.

Cautionner la présence d’accompagnateurs se discriminant eux-mêmes par le port de signes distinctifs indiquant un choix politique et/ou religieux, c’est oublier la valeur d’exemplarité de l’adulte aux yeux de l’élève. Depuis plus d’un siècle, la République et son école exigent des enseignants et des personnels éducatifs un devoir de réserve et une stricte neutralité, de façon à protéger les enfants de toute propagande et préserver une liberté de conscience naissante.

Comment tolérer que l’école, espace social singulier, institution fondamentale de la République, soit l’objet de pressions politico-religieuses ? Lieu premier d’apprentissage du " vivre-ensemble ", l’école peut-elle cautionner le principe rétrograde du marquage du corps féminin, objet supposé de convoitise devant être caché ? Comment concilier les valeurs qui permettent la cohésion sociétale avec l’affichage ostensible de codes vestimentaires qui clament, plus qu’un discours, le contraire de l’égalité femmes/hommes, principe constitutionnel ?

La Halde prétend trancher sur les croyances intimes et se prononce étonnamment pour la banalisation de pratiques rituelles controversées. Il faut réaffirmer avec force que dans notre démocratie laïque, il n’existe pas de droits spécifiques en fonction d’une appartenance ethnique ou religieuse. L’obéissance à des rites religieux, imposés ou choisis, ne peut autoriser le non-respect des lois et règles communes de la République.

Confusion encore, la Halde semble ignorer les règles régissant le service public d’éducation. Pour justifier sa délibération en faveur des mères voilées comme parent accompagnateur, elle cite une jurisprudence concernant l’application du principe de laïcité en milieu pénitentiaire. L’amalgame entre école et prison, entre écoliers et adultes incarcérés est surprenante, et l’ignorance des règles spécifiques concernant la laïcité dans les milieux fermés (prison, militaires en mission, etc.) stupéfiante.

Pourtant, la circulaire d’application de la loi de mars 2004 sur les signes religieux dans l’espace scolaire, publiée au bulletin officiel de l’éducation nationale (2004-084) est claire : elle exclut explicitement toute manifestation d’appartenance religieuse par "les agents contribuant au service public de l’éducation, quels que soient leur fonction et leur statut".

Une brèche a été ouverte dans laquelle, demain, d’autres formes d’obscurantisme pourront s’engouffrer. Cette prise de position ne respecte pas les millions de parents, de toutes origines, qui voient dans notre système scolaire l’outil essentiel d’élaboration d’une pensée autonome en accord avec la démocratie et les droits de l’homme. Pas plus qu’elle ne respecte les élèves en permettant la diffusion d’une image des femmes contraire aux idéaux universels d’égalité et de liberté.

Rappelons que la Halde, instance mise en place pour informer les personnes s’estimant discriminées sur le territoire de la République, émet des recommandations et les rend publiques. Mais elle n’a ni autorité sur les citoyens, ni agrément pour se substituer au pouvoir juridictionnel.

Nous demandons au Ministre de l’Éducation nationale comme à l’ensemble des parlementaires, notamment ceux qui ont voté la loi du 15 mars 2004, loi d’apaisement et de concorde, de veiller au strict respect des principes de laïcité et de neutralité pour toute personne participant à l’encadrement d’activités scolaires dans le service public."

Signataires : Licra, Ni Putes Ni Soumises, SOS Racisme, Grand Orient de France, Comité Laïcité République, CLEF Commission contre les extrémismes religieux de la Coordination Française pour le Lobby Européen des Femmes, Elele Migrations et cultures de Turquie, Histoires de Mémoire, Laïcité Écologie Association, MAPP Mouvement pour l’abolition de la prostitution, de la pornographie et de toutes formes de violences sexuelles et discriminations sexistes, Regards de Femmes, Syndicat de l’Inspection de l’Éducation nationale (SIEN-Unsa Education), Syndicat National des Personnels de Direction (SNPDEN-Unsa Education), Ufal (Pour contact : laicitedabord@licra.org ).

Lire "Laïcité : l’école et les enfants d’abord !".


Texte paru dans Laïcité Info (nov.-déc. 2007), le bulletin du CLR (note du CLR).


Comité Laïcité République
Maison des associations, 54 rue Pigalle, 75009 Paris

Tous droits réservés © Comité Laïcité RépubliqueMentions légales