“La fascination pour ceux qui croient” (Libération, 16 jan. 08)

16 janvier 2008

"Le chef de l’Etat est plus sensible à la dimension émotionnelle des religions qu’à la théologie.

Nicolas Sarkozy n’est pas une grenouille de bénitier. Mais le fait religieux et la puissance potentielle de son message sur les hommes le fascinent. Il se dit « membre de l’église catholique », précisant que sa « pratique religieuse est épisodique » (1). Il confesse être un homme de foi, mais plaide systématiquement pour une « laïcité ouverte et apaisée ».

Lundi en Arabie Saoudite, il a pourtant tenu des propos qui - isolés de la globalité de son discours - s’apparentent davantage à ceux d’un prêcheur qu’à ceux du président de la République d’un Etat laïc : « Dieu transcendant qui est dans la pensée et le coeur de chaque homme. Dieu qui n’asservit pas l’homme mais le libère. Dieu qui est le rempart contre l’orgueil démesuré et la folie des hommes ». Mais un peu plus loin, il ajoutait (« en tant que chef d’un Etat qui repose sur le principe de la séparation de l’Eglise et de l’Etat ») « respecter autant ceux qui croient au ciel que ceux qui n’y croient pas ».

Nicolas Sarkozy n’est ni un fou de Dieu, ni un idéologue néoconservateur faisant du« bien » et du « mal » l’alpha et l’oméga de sa philosophie. Mais lui, qui ne croit fondamentalement pas à grand-chose d’autre qu’aux cotes de popularité et aux rapports de force, est sincèrement bouleversé par ceux qui croient. Les grandes figures religieuses comme soeur Emmanuelle le chamboulent. Tout comme la dimension émotionnelle des religions. La vie monastique le fascine et il lui arrive de faire un saut dans une abbaye. Même s’il a finalement préféré, pour se reposer après son élection, le yacht de Bolloré à un monastère.

Il est persuadé que les grandes religions sont le socle de toutes les civilisations. Leur capacité à transcender les hommes pour leur faire bâtir des cathédrales et autres mosquées l’impressionne. Lui qui n’est pas loin de se prendre pour un dieu (de la politique) n’a jamais atteint une telle force mobilisatrice par ses discours.

« Dans le fond de chaque civilisation il y a quelque chose de religieux », a-t-il lancé à Riyad. A ses yeux, les religions n’ont rien de nocif. Au contraire puisque toutes véhiculent « un message d’amour et non de haine », comme il l’a dit face à des étudiants en Algérie. Elles structurent « l’identité nationale » de chaque Etat, a-t-il théorisé durant sa campagne présidentielle (lancée depuis le Mont-Saint-Michel) en affirmant à maintes reprises que « la France est majoritairement catholique chrétienne ». Ce qui ne l’empêche pas de prêcher pour la diversité religieuse et de s’en faire le défenseur. Son fait d’arme revendiqué : avoir créé en France le Conseil du culte musulman. Manière de reconnaître pleinement l’islam mais aussi de le canaliser. Si les religions peuvent en plus structurer les populations et être gage de stabilité sociale, ce n’est pas Sarkozy qui s’en plaindra.

(1) In la République, les Religions, l’Espérance, éd. du Cerf"

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