Revue de presse

"Justice : un Blanc jugé pour racisme... anti-Blanc" (lepoint.fr , 26 av. 13)

27 avril 2013

"Sale Blanc", "blanc-bec"... Un cuisinier était jugé vendredi à Paris pour avoir entaillé le visage d’un homme sur le quai du RER et proféré des injures racistes.

"Racisme anti-Blanc", l’expression est devenue presque banale. Pour SOS Racisme, elle appartient historiquement au vocabulaire de l’extrême droite. Mais elle est devenue ensuite un argument de campagne. Jean-François Copé, candidat à la présidence de l’UMP contre François Fillon, avait raconté fin 2012 l’histoire d’un jeune qui s’était fait "arracher son pain au chocolat par des voyous", au motif qu’"on ne mange pas au ramadan". D’après un rapport de la Commission nationale des droits de l’homme (CNCDH), ces propos pourraient avoir eu une incidence sur la diffusion de l’idée d’un hypothétique racisme "anti-Français" dans la société. "4 % des personnes interrogées considèrent que les Blancs sont les principales victimes de racisme dans l’Hexagone", explique le rapport. Et "le sentiment que les Français sont les principales victimes de racisme en France est en hausse, avec 12 %, dont 18 % parmi les sympathisants de droite et 5 % parmi ceux de gauche", poursuit l’étude.

Vendredi après-midi, au palais de justice de Paris, la Licra (Ligue internationale contre le racisme et l’antisémitisme) s’est portée pour la première fois partie civile dans une affaire de "racisme anti-Blanc". Situation ubuesque : le prévenu est lui-même blanc. "Je n’aime pas ce terme [de racisme anti-Blanc, NDLR]", explique Mario Pierre Stasi, président de la commission juridique de la Licra. "Mais je n’en vois pas d’autres", lâche-t-il.

À l’audience, un homme de 37 ans, crâne rasé, est appelé à la barre. La démarche lourde, les mains dans les poches de son jean recouvertes par une veste grise, Arnaud écoute, sans broncher, le président du tribunal. Son casier judiciaire est déjà bien rempli : plusieurs condamnations pour port d’armes (des couteaux), outrages contre policiers et infractions à la législation sur les stupéfiants (cannabis).

Le 12 septembre 2010, au petit matin, la victime, un jeune homme de 28 ans, attend son métro à la station Strasbourg-Saint-Denis. Il est apostrophé par un homme qui accompagnait Arnaud, mais qui n’a jamais pu être identifié. "Sale Français !" lui aurait-il lancé. La victime descend du métro à Gare du Nord, avant de se rendre sur les quais du RER D. La vidéosurveillance laisse supposer qu’Arnaud et son acolyte l’y ont suivie. Vers 6 heures du matin, quoi qu’il en soit, l’agresseur non identifié se rue vers sa victime et lui porte un premier coup. La bagarre commence. L’agresseur tombe à terre, la victime prend le dessus. "Quand il était à terre, j’ai voulu le défendre. Il l’étranglait avec ses genoux, donc je lui ai mis des coups avec la droite, et un dernier avec un tesson de bouteille", lâche benoîtement Arnaud. Lorsque la bagarre se termine, la victime a une balafre de 15 centimètres de long sur la joue gauche. Le sang coule sur son torse. [...]

Les témoins de la scène, des usagers et des agents de la société Effia, n’ont pas bougé. Certains n’étaient pourtant qu’à cinq mètres de la bagarre. Seule une dame a eu le cran de s’interposer, note la procureur. Trois d’entre eux ont cependant entendu les insultes "sale Français", "sale Blanc" (en français et en arabe), "sale blanc-bec", "va niquer ta mère", de la bouche de l’agresseur anonyme. Deux témoins sont formels : Arnaud a lui aussi prononcé ces mots avant, pendant et après l’agression. Lui assure que ces mots n’ont pas franchi ses lèvres. Arnaud semble accorder la même importance à une affaire de violences (qui ont causé 39 jours d’interruption temporaire de travail) qu’à quelques insultes racistes. "Pour moi, c’est pareil", lâche-t-il à l’audience.

"Vous vous considérez comme violent ?" lui demande le président du tribunal. "Nan", répond-il. Puis il raconte quelques bribes de sa vie. "J’habite dans le 93. Il y a des contrôles de police matin, midi et soir, même quand on travaille", argue-t-il. "Quelqu’un qui se fait taper, vous le défendez. Voilà comment j’ai appris", lâche le prévenu. Pour l’avocat de la victime, Arnaud n’a rien d’un "sauveur". Il ne croit pas à la thèse de l’agression avec un tesson de flasque d’alcool, qui se serait brisée dans sa poche. Pour l’avocat, Arnaud a utilisé un couteau ou un cutter. Et il enfonce le clou sur les injures racistes. "La victime m’a dit : C’est tombé sur moi parce que j’étais blanc", explique-t-il.

Le procureur réclame quatre ans de prison, dont un avec sursis assorti d’un contrôle judiciaire. Le jugement a été mis en délibéré au 21 juin. Pour l’avocat de la défense, Me Grégoire Etrillard : "On est en train de faire un exemple de racisme anti-Blanc. Il y a une frustration de ne pas avoir attrapé le vrai coupable.""

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