Les bibliothèques (19 mars 16)

Jean-Marc Nicolle : "« L’Écho », lieu d’intégration laïque" (Colloque du CLR, 19 mars 16)

Jean-Marc Nicolle, maire du Kremlin-Bicêtre, maître d’ouvrage de la médiathèque municipale « L’Écho ». 20 mars 2016

Au risque de contourner de sujet, je ne vous parlerai pas de bibliothèque mais bien de la médiathèque du Kremlin-Bicêtre, distinction qui a son importance – j’y reviendrai.

Alors même qu’en France nous pensions que les questions religieuses avaient quelque chose de passéiste – la loi de 1905 ayant plus de cent ans ! – nous les voyons ressurgir depuis quelques années, et encore davantage ces derniers mois.

A cet effet, vous me permettrez cette citation de Régis Debray tout à fait dans l’air du temps mais qui a pourtant plus de dix ans : « Religion et laïcité sont des mots qui sentent encore la poudre, même au cœur d’un pays et d’un continent qui tranchent avec tous les autres par une sécularisation avancée, un affaiblissement des institutions religieuses classiques, et où pourtant le religieux continue, par maints biais, de faire mouvement. »

Le chemin a pourtant été long depuis la Révolution de 1789 et la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen, depuis Condorcet, Diderot, Voltaire ou Condillac… « Ai le courage de te servir de ton propre entendement », telle était la devise des Lumières. La raison plutôt que la religion, le citoyen rationnel plutôt que l’individu croyant, la capacité de réfléchir et d’exister indépendamment de l’ordre de Dieu.

C’est aussi, plutôt que l’Eglise, l’école, pierre angulaire de la République et sanctuaire – si j’ose dire ! – de la laïcité. Et c’est grâce à la loi Falloux de 1850, mais surtout en 1881 avec Jules Ferry que naît véritable l’école gratuite, laïque et républicaine française. Le Front populaire et Jean Zay, récemment panthéonisé, ajouteront leur pierre à l’édifice.

Puis, une fois la parenthèse de Vichy refermée, la laïcité sera enfin constitutionnalisée par les constituants de 1946, puis dans notre Constitution de 1958.

Je conçois le même rôle d’émancipateur, d’éducation, de condition même de la citoyenneté, pour les bibliothèques.

Nous vivons une époque de démocratisation du livre et des savoirs, notamment grâce à Internet. Les bibliothèques et les médiathèques participent pleinement à cette démocratisation, à travers leur gratuité ou leur quasi-gratuité d’accès.

Mais les bibliothèques ne sont pas seulement des lieux de « consommation », où l’on vient simplement emprunter/rendre des livres. C’est un lieu de passage, de rencontres, un lieu de voyage où l’on peut vagabonder dans les allées à la recherche d’un livre particulier ou simplement en fouillant au hasard.

C’est aussi un lieu de découverte inattendues : à la manière d’un Christophe Colomb qui découvrit l’Amérique en cherchant l’Inde, une bibliothèque permet, et alors même que nous cherchions tout autre chose, de faire des trouvailles surprenantes.

Et c’est notamment pour cette raison que nous avions opté, au Kremlin-Bicêtre, pour une médiathèque plutôt qu’une bibliothèque : elle nous permettait d’attirer un autre public – ce public qui d’habitude ne met pas les pieds dans les bibliothèques – et de le faire venir par un accès facile à Internet, par des jeux-vidéo pédagogiques, ou par la qualité de nos bases de données numériques, pour qu’ensuite ils aillent voir ailleurs.

Cette démarche est essentielle car elle permet un premier pas dans la médiathèque, ce fameux pas qui ne se serait pas fait autrement et qui en entraîne beaucoup d’autres. Par des accès facilités et diversifiés, la médiathèque devient un lieu pour tous, sans exception.

Je suis très attaché, en tant qu’élu du Mouvement Républicain et Citoyen, à la fonction sociale de la bibliothèque, cette fonction d’intégration et de réduction des inégalités.

La médiathèque L’Echo du Kremlin-Bicêtre remplit complètement ce rôle, avec une meilleure accessibilité que pour la moyenne des bibliothèques du Val-de-Marne, que ce soit en terme de nombre de jours ouverts (5 par semaine), en nombre d’heures ouvertes (29h par semaine) ou en terme d’amplitude horaire (souvent après 18h).

Notre médiathèque compte près de 11.000 inscrits, dont quasiment 8.500 sont Kremlinois. Alors que la moyenne nationale est de 14% de la population inscrite dans une bibliothèque, 32% des Kremlinois sont donc inscrit à L’Echo.

Nous menons des actions fortes, toujours dans cet esprit d’ouverture et d’intégration du plus grand nombre :

1. « Passe ton BAC d’abord ! », pour faciliter les révisions des jeunes qui n’ont pas forcément la possibilité de travailler chez eux dans un cadre de tranquillité et d’efficacité adéquats ;

2. « Les aprems’ de L’Echo » pendant les vacances scolaires, qui permettent aux jeunes qui s’ennuient de passer les après-midi à la médiathèque autour de diverses activités (jeux-vidéos collectifs, activités de lecture, projection à l’Auditorium) ;

3. Ou encore le portage à domicile, qui permet aux personnes à mobilité réduite de bénéficier des ressources de la médiathèque. Si vous ne pouvez venir à la médiathèque, la médiathèque viendra à vous !

Je suis également attaché, vous vous en doutez, à la neutralité que doit afficher notre médiathèque, au même titre que nos écoles. Si les bibliothèques, comme j’en ai la certitude, ont vocation à remplir ce rôle d’intégration du plus grand nombre, cette fonction doit être remplie dans un cadre laïque, pilier de notre République au même titre que notre tryptique républicain : Liberté, Egalité, Fraternité.

Donc pour résumer : 1. Une facilité d’accès, 2. une diversité de ressources, 3. Une diversité d’actions, et 4. une neutralité indispensable, comme pour l’école : voilà le cadre d’une médiathèque qui remplit pleinement ses fonctions sociales et politiques : lieu d’intégration laïque, de transmission des savoirs, d’ouverture au monde et à la culture, d’émancipation intellectuelle, de construction de la citoyenneté.



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