Note de lecture

Ismaël Saidi - Déconstruire idées reçues et théorie de la victimisation (G. Durand)

par Gérard Durand. 9 février 2021

[Les échos "Culture" sont publiés à titre informatif et ne reflètent pas nécessairement la position du Comité Laïcité République.]

Ismaël Saidi, Comme un Musulman en France, éd. Autrement, janvier 2021, 182 p., 15 €.

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Ismaël Saidi est né à Bruxelles en 1976 de parents marocains, il est donc de nationalité belge ce qui lui a permis de devenir policier à l’âge de vingt ans et il le restera jusqu’en 2012, marié à une collègue policière il est père de trois enfants. Dès les années 2000 il se découvre une vocation pour le cinéma et réalise plusieurs films sans trouver réellement son public, aucun ne sera programmé en France mais deux le seront en Belgique et au Canada.

Il s’intéresse également à l’écriture, notamment théâtrale et c’est en 2015 sa pièce intitulée Djihad qui va lui apporter la notoriété médiatique, d’abord en Belgique francophone ou, soutenue par plusieurs hommes politiques, elle sera déclarée « outil pédagogique » puis « d’utilité publique » par l’Education nationale. Ce qui lui permettra de percevoir de généreuses subventions et de partir dans une série de tournées en Belgique puis en France ou elle continue de séduire un très large public, celui des scolaires, celui des petites villes et même d’être représentée en prison.

Plusieurs livres accompagnent ce parcours. Celui dont je parle ici est écrit dans un langage simple, très accessible, il ne se prétend pas donneur de leçons à quiconque mais plus simplement cherche à décrire les relations du comédien et de son public. Relations aux débuts souvent houleux puisque pour ce musulman attaché à un Islam tolérant et éclairé il s’agit de déconstruire idées reçues et théorie de la victimisation, si confortables pour beaucoup.

L’écriture est aussi très théâtrale, on voit les personnages, dans leur attitude face à leurs semblables et à leur milieu social et familial. Chaque chapitre est comme un sketch dont on peut deviner l’issue, mais l’issue n’est pas l’important, l’important est le cheminement, le dialogue qui va mettre la certitude en difficulté quand vient la démonstration de sa fragilité. C’est le gamin de 15 ans qui s’insurge contre la discrimination à l’embauche, alors qu’il n’a bien sur jamais cherché un emploi et que ses deux parents travaillent. C’est un autre du même âge qui se lamente sur le fait que « les blancs ne les aiment pas » mais qui se trouve incapable de donner un seul exemple.

Le communautarisme est une cible privilégiée. Par le biais du hallal devenu piège commercial, tout est devenu hallal, on a même vu de l’eau Hallal. Il emprisonne non seulement les musulmans mais aussi ceux qui se croient obligés de s’y soumettre même en présence d’un seul musulman, comme ce maire qui organise un cocktail sans alcool et uniquement Hallal et qui se trouve désemparé quand on lui fait remarquer que la majorité des présents auraient bien aimé une petite coupe ou un verre de vin accompagnés de quelques tranches de saucisson.

L’auteur s’oppose à la culture de l’excuse qui doit être combattue, non le milieu social n’excuse pas la tentation de la violence et pourtant cette culture la ressort en permanence dans beaucoup de médias. Il y a aussi le problème du pardon abordé après une représentation devant des victimes du Bataclan.

Et puis il y a le doute, car l’auteur est croyant, et ce doute apparait lors d’une visite à l’Alhambra de Grenade, quand, regardant les inscriptions arabes il ne voit nulle part le nom du prophète. Interrogé l’un ses amis, spécialiste du Coran lui apprend que Muhammad n’est pas le vrai nom du prophète mai un surnom très répandu et qu’il n’avait qu’une importance très limitée dans la cour des Khalifes du XIVème siècle. Tellement limitée qu’ils n’ont pas jugé utile de le citer dans les inscriptions de leur palais. Il n’a été mis en avant, comme ses « écrits », fabriqués dans une époque très récente. Pour Saidi c’est un effondrement, comment a-t-il pu croire en ces histoires sans en vérifier les sources.

Je ne vous parle pas d’un grand livre, mais d’un livre simple, qui va à l’encontre du discours dominant et qui mérite d’être lu par la fraicheur qu’il apporte au lecteur et par le bon sens qu’il cultive. Un livre militant qui ne fera jamais la une de Libération mais un livre que j’ai lu avec plaisir. Je l’ai découvert en entendant une interview de l’auteur par Léa Salamé, en plein discours victimaire et la façon dont il lui proposé de lui fournir des milliers de noms de musulmans ayant pleinement trouvé leur place et leur rôle dans la société française. Peut-être aussi parce que comme lui j’ai pendant douze ans traversé la France et une partie de la Suisse en tous sens avec une pièce de théâtre militante contre tous les fanatismes, « L’Affaire Calas » et que je sais l’utilité du dialogue avec le public et tout particulièrement les publics jeunes, rencontrés par milliers et passionnés par ces sujets de société.

Gérard Durand



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