Revue de presse

H. Heckmann : La montée en puissance de la « cancel culture » entraîne la menace d’un effacement de la culture (lefigaro.fr , 31 août 22)

Hubert Heckmann, agrégé, maître de conférences en littérature médiévale à l’université de Rouen, cofondateur de l’Observatoire du décolonialisme et des idéologies identitaires. 6 septembre 2022

[Les éléments de la revue de presse sont sélectionnés à titre informatif et ne reflètent pas nécessairement la position du Comité Laïcité République.]

Hubert Heckmann, Cancel ! De la culture de la censure à l’effacement de la culture, Éd. Intervalles, coll. « Le Point sur les idées », 72p., 9€.

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"[...] Pour l’art contemporain, l’œuvre ne réside plus dans l’objet mais dans l’expérience que l’objet va provoquer, et donc dans le discours qui conditionne et accompagne cette expérience, ce qui peut conduire à brouiller les frontières entre l’œuvre et la personne de l’artiste. Appliquer cette conception de l’art aux œuvres du passé, c’est céder à l’anachronisme. L’artiste en tant que personne ne doit pas pouvoir se soustraire au jugement moral, mais cela n’affecte pas le jugement esthétique, d’une tout autre nature, que l’on porte sur son œuvre. Savoir que Michel-Ange était d’un tempérament exécrable ne me conduit pas à préférer à ses œuvres les peintures et les sculptures d’artistes plus gentils… [...]

Si les œuvres sont réduites à un rôle de message, alors il faut en effet ou bien les « aimer » (dans le sens très restreint du like des réseaux sociaux, qui est la manifestation d’une adhésion), ou bien les réprouver. C’est méconnaître la spécificité des genres littéraires, la diversité des niveaux de lecture, la puissance de l’ironie provoquée par les effets de décalage ou de citation… Par exemple, on attribue trop souvent au romancier les propos qu’il place dans la bouche de ses personnages. Ce n’est pas seulement la littérature qui est dégradée par une lecture aussi réductrice, c’est plus généralement notre capacité à accepter et à approfondir les nuances, jusque dans nos discours ordinaires qui s’en trouvent eux aussi appauvris.

Le jeu de l’ambiguïté, qui fonde l’art d’écrire, s’adresse à l’imagination du lecteur pour susciter sa réflexion : les œuvres littéraires ne sont pas des recueils d’opinions et de commandements à l’interprétation univoque. [...]

La « révolution culturelle » permanente des réseaux sociaux invite à la création d’une littérature jetable, « annulable » au fur et à mesure des perfectionnements du conformisme. [...]

Ce qui me préoccupe, plutôt que la survie de la littérature, c’est la question de notre propre survie dans une société qui s’interdit de rechercher le vrai et le beau parce qu’il faudrait tout soumettre à l’exigence du bien, indexée sur le cours fluctuant des valeurs morales à la bourse des bons sentiments. [...]"

Lire "La « cancel culture » fabrique-t-elle une génération d’ignorants ?"


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