Note de lecture

E. Vuillard : La multitude des révoltés à travers les siècles (G. Durand)

par Gérard Durand. 3 décembre 2019

[Les échos "Culture (Lire, entendre & voir)" sont sélectionnés à titre informatif et ne reflètent pas nécessairement la position du Comité Laïcité République.]

Eric Vuillard, La Guerre des pauvres, Actes Sud, 2019, 80 p., 8,50 €.

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Lauréat du prix Goncourt de 2017 avec L’ordre du jour, Eric Vuillard est un auteur discret, sans doute parce que son style est parfois déroutant pour une partie des lecteurs. C’est fort dommage car on trouve dans son œuvre de superbes pépites comme ce petit ouvrage de 70 pages.

L’idée en est simple : parler à travers un personnage illuminé par la colère des multiples révoltes qui ont marqué l’Europe du Nord vers la fin du Moyen Âge. L’histoire de Thomas Muntzer est fort bien documentée mais elle porte un message universel : "les exaspérés sont ainsi, ils jaillissent un beau jour de la tête des peuples comme les fantômes sortent des murs."

Par son écriture offensive, ses phrases courtes, Eric Vuillard transforme ces quelques pages en épopée, on y voit surgir la multitude des révoltés, venus de nulle part ou plutôt de leurs demeures dispersées et misérables. Du XIVe au XVIe siècles l’histoire bascule. La papauté est en crise et l’église vacille avec l’arrivée de l’imprimerie, Dieu peut enfin parler aux hommes dans leur langue et Luther leur explique qu’ils n’ont aucun besoin d’intermédiaires pour lui parler. Mais il y a aussi les problèmes économiques, en Angleterre la création de la poll tax déclenche la révolte générale, les armées en haillons assiègent Londres et sa tour qui sera pillée. De nouveaux héros apparaissent, tels John Wyclif, Wat Tyler et combien d’autres ?

En bohème, le même phénomène se produit avec Jan Hus, et le phénomène s’étend, à Bâle comme à Mulhouse les mêmes armées se lèvent. Thomas Muntzer est partout, de toutes les révoltes Acharné à détruire les hommes de pouvoir, ceux qui ont pendu son père sous ses yeux.

Mais que veulent ils ? Luther aurait dit : "Ce ne sont pas les paysans qui se soulèvent, c’est Dieu. Mais pour Vuillard ce n’est pas Dieu qui se soulève mais bien les paysans, à moins d’appeler Dieu, la corvée, les censives, les dîmes, le loyer, la taille, le viatique, le droit de première nuit, les yeux crevés, les corps brulés, roués, tenaillés."

"La plèbe se cabre", ce qu’elle veut est simple. "Aux paysans le foin, aux ouvriers le charbon, aux terrassiers la poussière et a nous les mots, les mots qui sont une autre convulsion des choses."

Tout est dit et l’on se demande pourquoi nos dirigeants ne lisent pas Eric Vuillard.

Gérard Durand


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