Avec la participation du CLR

Ch. Arambourou : "Pour transmettre la laïcité, franchir un fossé générationnel" (Charles Arambourou pour l’Ufal, Fête de la laïcité, Paris, 26 juin 21)

Fête de la laïcité, Paris, 26 juin 21. 27 juin 2021

Fête de la laïcité, Paris, le 26 juin 2021
Intervention de Charles Arambourou
responsable de la commission Laïcité de l’Union des Familles laïques

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Transmettre la laïcité

Cher.e.s ami.e.s (excusez-moi, je ne sais ni lire ni écrire en inclusif)

Au nom de l’Union des Familles Laïques, et parce qu’il y a « familles » et « laïques » là-dedans, je vais forcément vous tenir le discours d’un vieux mâle blanc cisgenre. Tel je suis, tel je m’assume. Car figurez-vous que, par définition, ce sont les plus anciens qui ont quelque chose à transmettre. Mais pour ce faire, encore faut-ils que les plus récents non seulement les écoutent, mais les entendent. Je n’irai donc pas par quatre chemins : pour transmettre la laïcité, nous, les plus de 40 ans (je suis sympa, hein ?), nous devons franchir un véritable fossé générationnel. Sinon, les idées que nous portons ne seront plus jamais ni audibles, ni crédibles.

Ce fossé, contrairement à ce que beaucoup pensent, n’a pas été creusé par les moyens et réseaux modernes de communication. Mais non, cessez de vous dire dépassés, boomeurs et boomeuses mes Frères et mes Soeurs, voire quadras et quinquas mes neveux. Car nous pratiquons tous avec assiduité la religion des NTIC (nouvelles technologies –autrefois on disait techniques, hein ?- de l’information et de la communication). C’est même nous, les plus de 70 ans, qui avons procédé à leur introduction, à partir des années 80. Résultat : même s’il nous arrive de lire encore des livres, nous ne sommes pas moins utilisateurs d’internet, des réseaux et des smartphones que nos petits-enfants. Avec juste moins de dextérité dans le pouce -c’est l’arthrose !

Non, la vraie différence est idéologique. Platon déjà déplorait que « le fils s’égale à son père, n’a plus honte de rien et ne craint plus ses parents, parce qu’il veut être libre ». Sheila (ce n’est pas la plus connue des platoniciennes) le chantait en 1963 « Papa, papa, papa, t’es plus dans l’coup ». Et en 1986, 23 ans plus tard, pratiquement une génération, Madonna entonnait « Papa, don’t preach » -pas de sermon, papa ! (Pur sexisme d’ailleurs, car maman n’est pas moins obsolète.)

Boomers, souvenez-vous : vos parents étaient réacs, cléricaux, racistes, coincés, non ? Ils ne comprenaient rien à la jeunesse, ni aux aspirations « dans le vent ». Ils condamnaient les cheveux longs, les jeans, les mini-jupes, les seins nus… Vous, je ne sais pas, mais moi, c’était comme ça. Jusqu’au jour où, croyant avoir inventé tout seul la laïcité, j’ai bien été obligé de reconnaître que c’étaient ces affreux et si chers « has been » qui m’avaient transmis, non pas le « principe théorique ou juridique », mais l’art et la manière de se comporter en laïque dans la vie. Avec, dans le package, l’attachement à la République, au progrès social, à la solidarité, à la paix ; le rejet du racisme, voire du colonialisme. Je vous parle d’un temps que nos décoloniaux ne peuvent pas connaître : dans les années 60, ils n’étaient même pas dans les gonades de leurs géniteur.trice.s (saluez la plaisanterie dégenrée).

Alors, « Papa don’t preach ! » Le temps ne fait rien à l’affaire, quand on est bon, on est bon ! Toute chose dont nous avons éprouvé la solidité, elle nous oblige à la transmettre. Le meilleur moyen de passer pour des vieux cons, c’est encore de se croire tels ! Cessons d’être sur la défensive. Les interdits, c’est ce qui reste de la laïcité quand on a oublié à quoi elle servait. C’est la paresse de l’esprit qui vit depuis si longtemps en laïque qu’il n’arrive même plus à comprendre que l’on puisse vivre autrement. Cessons de nous protéger par des interdits, et consacrons-nous au développement des libertés. En rappelant d’abord que toute liberté « de » est une liberté « de ne pas » -et que c’est cette dernière qui la définit la plus complètement !

Deux exemples.

Au lieu de grommeler que la liberté de religion sert de cheval de Troie au cléricalisme ou à l’islamisme (ce qui n’est pas faux), défendons haut et fort la liberté de ne pas croire, et exigeons qu’elle soit la priorité. Car c’est elle, la pierre de touche de la liberté de conscience. Partons de la réalité : la majeure partie de nos concitoyens sont incroyants ou détachés de leur religion. Sont-ils traités à égalité quand on instaure l’enseignement du seul fait religieux à l’école, ou quand on remplace la liberté de conscience par la coexistence des religions (monothéistes en général) ? Désolé, inviter un athée ne change rien car par définition l’incroyance est le résultat libre d’une conscience individuelle, elle ne se réclame d’aucune communauté ! Il en existe autant de formes que de personnes humaines…

Deuxième exemple. Plutôt que de pourfendre le port du voile, et de rentrer dans l’indécidable querelle de l’infinie diversité des intentions de celles qui l’affichent (chose irritante assurément), défendons clairement la liberté de ne pas le porter, celle pour les femmes d’être les égales de hommes en tous points. A commencer par la libre disposition de leur corps. Quand il est admis que toutes sont libres, rien n’interdit la pudeur voire la simple bigoterie de certaines. A l’inverse, quand on revendique la pudeur comme un droit, c’est la liberté de toutes que l’on occulte, que l’on menace, que l’on soumet à pression… Trouvez-moi de l’islamophobie, là-dedans ?

Je pourrai évoquer mille autres exemples, mais je ne vous saoulerai pas plus longtemps. Cher.e.s ami.e.s, je voulais juste vous inciter à un examen de liberté de conscience : sachons qui transmet, et pourquoi il le fait plus ou moins bien. A vous de voir : seuls les vieux fourneaux prennent les jeunots pour des cons. Pas de fausse pudeur : n’ayons pas peur d’avoir raison, et commençons par nous secouer les neurones pour retrouver en nous les sources de la laïcité.

Je vous remercie.

Charles Arambourou



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