Revue de presse

"CCIF : comment prendre les musulmans en otage" (Charlie Hebdo, 28 oct. 20)

1er novembre 2020

[Les articles de la revue de presse sont sélectionnés à titre informatif et ne reflètent pas nécessairement la position du Comité Laïcité République.]

"Fondé par des proches des Frères Musulmans, le Collectif contre l’islamophobie en France (CCIF) est dans le collimateur du ministre de l’Intérieur, qui a annoncé vouloir le dissoudre. Enquête sur ce collectif qui a pris les musulmans de France en otage d’un pseudo anti-racisme.

Laure Daussy

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À peine était annoncée la probable dissolution du Collectif contre l’islamophobie en France (CCIF) que ce dernier recevait un soutien immédiat de la part de plusieurs figures de la gauche sur Twitter, y compris de certaines féministes. Des personnalités de la sphère militante, comme la directrice de la plateforme de pétitions Change.org qui tweete : « Le CCIF fait un travail d’accompagnement juridique indispensable en particulier pour les femmes musulmanes victimes de nombreuses agressions et discriminations. Je suis abasourdie par cette annonce. »

Tout se passe comme si toute une partie de la gauche assimilait le CCIF à une association de lutte contre le racisme comme une autre, sans comprendre qui il est vraiment. Quand on interroge l’ensemble de la population, en revanche, c’est une autre réalité : selon un sondage Ifop, sa dissolution est soutenue par 76 % des Français.

Pourquoi parle-t-on du CCIF  ? Il a été cité par le père de l’élève qui s’en est pris à Samuel Paty, via une vidéo sur ­Facebook. Ce père exhortait ses « frères et sœurs » à faire « au minimum un courrier au collège, au CCIF, à l’inspection académique […]  ». Le collectif a répondu de son côté avoir juste été « saisi » par le père de famille et explique que « l’équipe du CCIF était à l’étape des vérifications d’informations ».

Au-delà de cette affaire, qu’est-ce donc que le CCIF  ? Il se présente comme « une association de défense des droits humains […] dont la mission est de combattre l’islamophobie ». Il dit avoir été saisi de 743 actes qualifiés d’« islamophobes » par son service juridique en 2020. Dans son rapport sont cités des cas de discrimination avérés, comme ce restaurateur qui avait demandé à des femmes voilées de sortir de son établissement, à Tremblay-en-France (Seine-Saint-Denis), au motif que « tous les musulmans sont des terroristes ». Mais derrière cette façade de lutte contre les discriminations, le CCIF est bien autre chose.

Il faut se pencher sur les prises de position de ses fondateurs. Rappelons que l’association a été créée en 2003 par Samy Debah. Celui-ci avait été formé par les Frères musulmans et est un proche de Tariq Ramadan. Aujourd’hui, le CCIF dément toute affiliation. Mais Mohamed Louizi, ancien frère musulman lui-même, estime que « depuis sa création, en 2003, le CCIF est un pilier de la stratégie des Frères musulmans en France. Ses membres ne sont pas tous fréristes, mais ils sont encore noyautés par eux. Leur idéologie, leurs méthodes sont celles des Frères musulmans. Le collectif n’a qu’une feuille de route : institutionnaliser la victimisation ».

Pour le CCIF, le concept d’« islamophobie » (d’ailleurs en lui-même sujet à controverse, car souvent brandi pour faire taire toute critique de la religion) est extrêmement étendu. Isabelle Kersimon, fondatrice de l’Institut de recherches et d’études sur les radicalités (Inrer), auteure d‘Islamophobie. la contre-enquête (éd. Plein Jour), précise à Charlie : « Ils ont une vision d’une islamophobie totale, globale et permanente dans la société. Cette vision donne l’impression que les musulmans sont en état de siège en permanence en France. C’est une rhétorique qui crée une fracture dans la société. » Est ainsi « islamophobe », pour le CCIF, la loi de 2004 sur l’interdiction des signes religieux à l’école. Son abrogation a d’ailleurs fait partie de ses premiers chevaux de bataille. Dans un tweet de 2014, le CCIF estime même qu’il s’agit d’une « islamophobie institutionnalisée ». Autre exemple, une simple question posée par un agent de Pôle emploi à une jeune femme voilée pour savoir si elle souhaite garder son voile pour aller au travail est mentionnée comme « discriminatoire » dans son rapport de 2011.

Pire, dans un de ses premiers rapports, en 2004, le CCIF répertoriait comme « islamophobe » l’expulsion d’un imam, Abdelkader Yahia Cherif, car celui-ci était accusé de « prosélytisme en faveur d’un islam radical » et de « relations actives avec la mouvance islamiste prônant des actes terroristes ». Même chose pour l’expulsion en Turquie de Midhat Güler, membre du mouvement Kaplanci, qui prône le recours à la violence et au terrorisme. Dans les derniers rapports, plus aucun détail des différents actes « islamophobes », impossible donc de savoir ce qui est recensé précisément.

Pour Marwan Muhammad, ex-porte-parole très médiatique du collectif, nul problème pour fricoter avec les pires prédicateurs. En 2015, il soutenait Rachid Eljay, alias Rachid Abou Houdeyfa, le controversé imam de Brest connu pour ses propos de mélomane, qui estimait que « ceux qui écoutent la musique seront transformés en singes ou en porcs ». Muhammad écrivait : « J’avoue avoir pleuré quand j’ai vu la manière dont, à Brest, on a procédé à son humiliation publique en l’obligeant, pour la énième fois, à condamner la violence et à s’excuser pour ses positions sur la musique, comme sur d’autres sujets. » Il soutient également le prédicateur Nader Abou Anas, connu, lui, pour ses propos sur l’égalité femmes-hommes : « La femme vertueuse c’est celle qui obéit à son mari. La femme, elle ne sort de chez elle que par la permission de son mari. […] Le soir, il a un besoin, une envie, et elle lui dit non je suis fatiguée […] Qu’elle sache que les anges la maudissent toute la nuit dans le cas où elle se refuse à son mari sans raison valable. » Ce même prédicateur était d’ailleurs signataire – avant de se rétracter sous la pression de féministes – de la fameuse Manif contre l’islamo­phobie du 10 novembre 2019, lancée par le CCIF, et dans laquelle s’étaient engouffrées tant de personnalités de gauche.

Pourquoi soutenir les plus sulfureux  ? « Plus on est inclusif, plus on se donne les chances de réguler des idées marginales ou radicales », ose Marwan Muhammad dans un portrait qui lui est consacré. L’inclusivité des plus radicaux pour lutter contre la radicalité, on n’y avait pas pensé. Plus récemment, le CCIF n’a pas hésité non plus à soutenir l’association BarakaCity, objet d’une perquisition. Rappelons que son fondateur, Idriss Sihamedi, salafiste notoire, ne veut pas serrer la main des femmes et rechignait à condamner Daech. Le CCIF, d’ailleurs, a une manière bien curieuse de réagir à certains attentats. Après la tuerie antisémite de Mehdi Nemmouche au Musée juif de Belgique, à Bruxelles, en 2014, cet attentat est qualifié dans un communiqué sur leur site « d’acte de violence marginal ».

Malgré tous ces exemples édifiants, et jamais rappelés dans certains portraits dithyrambiques publiés dans les ­médias, le CCIF a réussi à accaparer une parole médiatique et à être perçu par certains, à gauche, comme représentant de la communauté musulmane. Une sorte de « prise d’otages » des musulmans qui met en colère des militants comme Nasser Ramdane Ferradj, musulman laïque et militant de SOS ­Racisme. « Le CCIF a réussi à faire taire toutes les voix critiques de la part de musulmans laïques et progressistes. Ça a façonné le « paysage musulman », qui s’est rangé derrière leur concept d’islamophobie, déplore-t-il. On se retrouve aujourd’hui avec un monopole du CCIF. Maintenant, il faut éteindre l’incendie qui a été allumé par certains politiques et certains médias  ! Mais que de retard  ! » "

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