Revue de presse

"Cabinets de conseil : Capgemini, ce coûteux prestataire dont l’Etat ne sait plus se passer" (Le Monde, 3-4 juil. 22)

3 juillet 2022

[Les éléments de la revue de presse sont sélectionnés à titre informatif et ne reflètent pas nécessairement la position du Comité Laïcité République.]

"ENQUÊTE L’Etat a confié au moins 1,1 milliard d’euros de missions à Capgemini en cinq ans. L’omniprésence du cabinet fait grincer des dents au sein de l’administration, où des voix dénoncent missions coûteuses, projets ratés, opacité et de conflits d’intérêts.

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[...] Comme beaucoup de cabinets de conseil, Capgemini profite à plein d’une règle budgétaire au nom barbare introduite en 2001, la fongibilité asymétrique, qui interdit aux administrations d’augmenter leurs dépenses de personnel en cours d’année. Face à l’urgence d’une mission confiée par le pouvoir politique, l’Etat, empêché de recruter, n’a souvent pas d’autre choix que d’externaliser vers des prestataires privés – et ce même si le coût final est plus élevé, car les consultants sont payés en moyenne 1 500 euros par jour dans le public, contre 362 euros pour un fonctionnaire qualifié, selon les chiffres de la commission d’enquête du Sénat qui a tiré en mars la sonnette d’alarme sur l’emprise des cabinets privés sur l’Etat.

C’est ce qui s’est produit à l’automne 2021, quand le gouvernement a décidé de débloquer 250 millions d’euros pour soutenir des expérimentations locales de nouvelles méthodes pédagogiques à l’école. Chargée de répartir cette somme d’argent dans un temps record, la Caisse des dépôts s’est vue contrainte de renforcer provisoirement son pôle éducation avec des consultants de Capgemini, moyennant 290 003 euros. [...]

Très coûteuses pour les deniers publics, les missions de Capgemini ne laissent pas que des bons souvenirs dans les administrations qui voient défiler leurs consultants. C’est le cas du ministère de l’éducation nationale, qui a englouti 263 millions d’euros en dix ans en prestations de conseil et d’informatique pour le remplacement de son logiciel de paie, avant d’abandonner le projet en 2018, face à l’accumulation des difficultés techniques et des retards. Un accident industriel lié notamment à « la mauvaise qualité des applications livrées par [Capgemini] », selon la Cour des comptes. « Ce sont [les prestataires], Capgemini en tête, qui ont convaincu le ministère de remplacer un logiciel qui jusque-là s’acquittait honorablement de ses tâches », ajoutent les journalistes Matthieu Aron et Caroline Michel-Aguirre dans le livre Les Infiltrés (Allary Editions, 208 pages, 19,90 euros).

Capgemini a également joué un rôle de premier plan dans le naufrage de Scribe, le projet de dématérialisation des plaintes lancé en 2017 par la police nationale. Après deux missions successives du cabinet français, facturées 8 millions d’euros selon la Cour des comptes, le « Titanic informatique de la police » a coulé en 2021. Le projet a souffert « dès sa conception » d’un mauvais pilotage de l’administration, a reconnu le ministère de l’intérieur dans sa réponse au Sénat. Amère, la Place Beauvau reproche toutefois à Capgemini de ne pas avoir fourni les « compétences techniques », les « ressources humaines » et « le suivi de haut niveau au sein du cabinet » nécessaires au succès du projet, « malgré l’importance des montants engagés ». [...]

Aux critiques sur la qualité des prestations du cabinet s’ajoutent des soupçons de conflits d’intérêts, en raison des nombreux liens qui unissent Capgemini, comme plusieurs de ses concurrents, à l’appareil d’Etat. Symbole de cette influence, Etienne Grass, le puissant patron de la branche « ministères et collectivités » du cabinet, dispose dans la sphère publique d’un épais carnet d’adresses, construit lors de ses passages au cabinet de la ministre socialiste Najat Vallaud-Belkacem ainsi qu’à l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris.

Son ancien collègue Axel Rahola a fait le chemin inverse : l’ancien vice-président de la branche conseil de Capgemini est devenu en 2018 le numéro deux de la DITP, la tour de contrôle de l’Etat pour l’attribution des missions de conseil aux cabinets privés. S’il a signé à son arrivée un document pour se déporter de toutes les décisions financières concernant son ancien employeur, certains doutent de la réalité de ce déport. [...]"

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Voir aussi dans la Revue de presse la rubrique Consultants, cabinets de conseil... dans Service public (note du CLR).


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