Contribution

Benyettou chez Ardisson : la nausée (M. Bret, 15 jan. 17)

par Marika Bret ("Charlie Hebdo"). 15 janvier 2017

Exhiber un badge « je suis Charlie » sur un plateau télé suffirait donc à démontrer son attachement aux valeurs de la République.

Le mentor – pas "ex" comme annoncé partout – des frères Kouachi, Farid Benyettou et la très controversée anthropologue Dounia Bouzar auto-proclamée spécialiste es déradicalisation, nous ont proposé un show abject, obscène, en un mot dégueulasse. Et, bien sûr, programmé au moment des commémorations de janvier 2017. Aujourd’hui, l’un comme l’autre voudraient nous faire croire que ce plan médiatique n’était nullement prémédité, et surtout pas pour faire vendre un livre, que je n’ai pas lu et que je ne lirai pas. Ils nous prennent franchement pour des cons mais ce n’est pas le plus grave.

La bassesse de leurs démarches participe volontairement à l’enlisement sociétal qui nous guette depuis des mois. Après le « ils l’ont bien cherché », explication douteuse sur la pseudo responsabilité des victimes du 7 janvier, se distillent depuis déjà trop longtemps les mots de victimes innocentes et de victimes coupables : est-ce à dire que les frères Kouachi ont bien choisi leurs cibles et que Salah Abdeslam et consorts se sont trompés ? Le constat est sévère. Deux ans après ces assassinats politiques, nous en sommes à minima au même point. Charlie serait toujours, selon eux, viscéralement islamophobe, laïcard intégriste ou encore couché devant les intégristes puisqu’on n’y dessine plus Mahomet. Ingrat des millions de soutiens reçus, Charlie attiserait la haine en se moquant des victimes – les autres, pas les siennes – évidemment.

Alors, ce qui me donne franchement la nausée, à l’heure où on se demande quand et où notre société sera prochainement atteinte et meurtrie, c’est de voir à qui est donnée la parole. Dounia Bouzar et Farid Benyettou se sont engouffrés sur la voie de la starisation médiatique. Il faut bien le dire, ils ne sont pas les seuls à répéter à l’envi les mots djihad, islam, Coran parce que désormais, ce vocabulaire fait vendre. J’ai cherché dans leurs propos liberté d’expression, égalité des droits, femmes hommes notamment, fraternité, laïcité, le tout prononcé en même temps. Je n’ai pas trouvé. J’ai un peu espéré entendre droit au blasphème. En vain.

Je me suis demandé qui apportait quelles réponses, notamment à notre jeunesse, douloureusement réveillée à plusieurs reprises en 2015, avec des crimes politiques commis pour anéantir nos libertés de dessiner, d’écrire, de publier, liberté de conscience, liberté d’être.

Parce que si la prise de conscience est nécessaire, elle ne suffit pas ; oui, elle est une étape décisive sur le chemin de la maturité et de l’émancipation. Mais si le sens critique est aiguisé par les charlatans promoteurs d’une Morale, les arnaqueurs dissimulés sous le masque du repentir et les escrocs de toutes religions, c’est la Haine qui est alimentée.

D’où ma dernière question : nous inscrivons-nous encore dans tout ce sur quoi les générations précédentes se sont battues : un avenir avec des valeurs, des droits, des devoirs et des rêves et une démocratie qui doit sans cesse progresser pour ne pas devenir médiocre ?

Entre l’inertie anesthésiante et la coupable lâcheté, face à la volonté d’anéantissement, j’en doute parfois.

Marika Bret



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