Revue de presse

"Séparatisme : comment tourner autour du pot" (J.-Y. Camus, Charlie Hebdo, 14 oct. 20)

17 octobre 2020

[Les articles de la revue de presse sont sélectionnés à titre informatif et ne reflètent pas nécessairement la position du Comité Laïcité République.]

"En supprimant le mot « séparatisme » - entendu comme la volonté de faire contre-société - dans le projet de loi sur l’islamisme radical, le gouvernement fait la fine bouche.

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Le mot « séparatisme » ne figurera plus dans le projet de loi visant à interdire, ne nous cachons pas derrière notre petit doigt, les expressions politiques et radicales de l’islam. C’est dommage, car ledit projet pourrait n’appeler qu’au « renforcement » des principes républicains et de la laïcité. Or, quand on veut « renforcer » un principe, en France, c’est qu’on s’en est écarté et qu’on rame pour y revenir. Et puis, le guide suprême des Frères musulmans, Ibrahim Mounir, ayant publié un communiqué au vitriol dans lequel il prend à partie le chef de l’État et réaffirme la supériorité de la loi divine sur la loi civile, on ne voit pas à quoi sert de battre en retraite sur le mot qui fâche la confrérie : quelle que soit la formulation de la loi, elle s’y opposera.

Le mot « séparatisme » n’en est pas moins ambigu, car il peut désigner deux projets. Celui de créer une nouvelle entité étatique par sécession, généralement sur une base culturelle (les indépendantistes corses, basques, catalans), voire ethnique. Ou celui de vivre dans la société selon un système de normes juridiques qui s’impose au droit civil et dont la base réside dans la volonté d’un groupe de s’abstraire du droit commun. Exemple, les sharia courts (tribunaux islamiques) britanniques, créés par des autorités religieuses, qui émettent des jugements contraires à la loi du pays et qui se substituent aux tribunaux civils.

Dans le premier projet gouvernemental, l’acception du terme « séparatisme » était plus large, plus sociologique : il s’agissait de sanctionner tous les comportements par lesquels l’islam politique, en particulier, cherche à établir une contre-société : école à domicile, école coranique se substituant à l’enseignement général, activités en non-mixité, propos incitant au refus de respecter la loi française. Si un consensus large existe pour bannir cela, il y a débat sur ce que j’appelle le « repli affinitaire », c’est-à-dire la tendance qu’ont tous les groupes religieux, les minorités nationales et ethniques de tous les temps et en tous lieux, à privilégier une vie sociale tournée essentiellement vers le groupe, surtout pendant la phase d’intégration et d’acculturation. Dans ce domaine, la ligne de crête n’est pas simple. Il semble logique que pour adhérer à une association paroissiale catholique, il faille être catholique selon les statuts. En revanche, l’association en question ne peut avoir pour objet de restaurer le catholicisme comme religion d’État ou de ne marier ses adeptes que devant le prêtre.

Pour compliquer le débat, certains, au gouvernement, veulent combattre le « suprémacisme blanc », histoire de montrer que tous les coups ne tombent pas du même côté. L’idée est louable, bien que la loi punisse déjà la croyance exprimée en la supériorité d’une race. Et puis les suprémacistes néonazis veulent aussi vivre entre Blancs, donc se séparer. La ségrégation raciale américaine et sud-africaine était à la fois une affirmation de supériorité et une volonté de vivre à part. Toujours pour la même raison obsessionnelle : éviter le mélange."

Lire "Lutte des classes : journalistes de gauche contre commentateurs de droite".



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