Contribution

Sarkozy au Latran : un "désaveu pour les enseignants de l’école républicaine et laïque"

6 février 2008

Nicolas Sarkozy s’est rendu à Rome le 20 décembre 2007 pour y être intronisé chanoine d’honneur par le pape Benoît XVI. A cette occasion, il prononce un discours inédit dans les annales de la République. Ce discours, dit « discours de Latran », est l’occasion pour le Président de tous les Français de donner un éclairage personnel sur la laïcité à la française. Il la considère en effet fermée et anticléricale. Or, selon lui, la religion seule peut éclairer les choix des individus et construire l’avenir. Elle seule peut donner des repères moraux à l’Homme. Il convient donc de lui redonner une place, une autorité dans l’espace public. Contre cette laïcité fermée consacrée par la Loi de 1905 notamment, il appelle de ses vœux une « laïcité positive ».

Force est de constater que ses arguments attaquent au pilon l’un des fondements de la République. Ainsi, il n’hésite pas, au mépris du bon sens et d’une catégorie de fonctionnaires dévoués à leur mission, à énoncer : « Dans la transmission des valeurs et dans l’apprentissage de la différence entre le bien et le mal, l’instituteur ne pourra jamais remplacer le curé parce qu’il lui manquera toujours la radicalité du sacrifice de sa vie » [1]. Nous laisserons à chacun l’appréciation de cet éloge sur les vertus ô combien éclairantes du célibat.

La nouveauté dans le discours réside dans la hiérarchisation entre le curé et l’instituteur - au détriment de ce dernier -, sur la capacité à transmettre des valeurs, en d’autres termes, à former des citoyens, des individus responsables. Ces propos sonnent comme un désaveu pour les enseignants de l’école républicaine et laïque.

La laïcité, telle qu’elle se pratique en France, n’a jamais eu pour but la défiance de l’Eglise, mais de donner à chacun la capacité de s’affranchir de ses origines, d’interroger ses valeurs pour se forger une réelle liberté de conscience, une croyance ou une non-croyance en connaissance de cause. Elle permet également de créer un espace de dialogue et d’échanges non-seulement interreligieux et interculturels, mais plus généralement entre croyants, athées, agnostiques, déistes,… sans discrimination. Elle participe à la mise en place et au respect des règles garantissant la liberté d’opinion et son respect.

Qu’entendre par « laïcité positive » ? Est-ce à dire que la laïcité actuelle est négative ? Pourtant, dans un discours tenu par le Président de tous les Français, parler du curé, c’est déjà, outre stigmatiser les non-croyants, créer une hiérarchie entre les religions. Le curé est le serviteur de l’Eglise, seul capable de transmettre des valeurs. Le principe fondamental d’égalité entre tous les citoyens vacille.

Qu’entendre par « laïcité positive » ? Est-ce à dire qu’il faut renvoyer chaque citoyen, selon ses origines, à la religion qui est censée être la sienne ? Le principe fondamental de liberté de conscience vacille. Est-ce à dire que la République n’a pas à libérer les citoyens prisonniers d’un joug dogmatique trop contraignant ?

La « laïcité positive » est-elle si positive alors ?


Voir aussi dans notre revue de presse Sarkozy au Vatican (déc. 07) (note du CLR).


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