Contribution

Sarkozy à Riyad : l’esquisse d’un nouvel ordre où l’Etat laisserait certains problèmes sociaux aux communautés

6 février 2008

Si le discours de Latran [1] amène irrésistiblement à penser la France comme la fille aînée de l’Eglise, celui de Riyad élargit cette conception en présentant la France comme la « fille aînée ( ?) de toutes les obédiences ». Le Président devenu prêcheur continue sur sa lancée. Dans un accès de bigoterie aigüe, il ose devant, les tenants de l’islam wahhabite - dont parmi les faits d’armes, et pas les moindres, nous pouvons citer le bâillonnement de la moitié de l’humanité, la mise systématique au cachot de tout esprit critique, tout cela au nom de Dieu - énoncer un panégyrique de la religion : « Dieu transcendant qui est dans la pensée et dans le cœur de chaque homme. Dieu qui n’asservit pas l’homme mais le libère. Dieu qui est le rempart contre l’orgueil démesuré et la folie des hommes » [2]. Le Président précise ainsi son discours : il voue aux gémonies les seuls sceptiques, par définition livrés à la merci de leurs passions –pulsions ?- car dépourvus de cette foi nécessaire à l’illumination de leur morne horizon.

Ce discours, contrairement à celui de Latran, ne fait pas la moindre référence à la laïcité, positive ou non. Dans ce qui semble être une radicalisation de ses positions, il est inquiétant de voir le Président d’une démocratie qui a toujours revendiqué son héritage des Lumières prononcer un discours devant les partisans d’une foi au mieux intégriste, au pire obscurantiste. Comment est-il dieu possible de flatter l’orgueil, de conforter le gouvernement d’un pays manifestement resté bloqué à ce qui rappelle dangereusement l’Inquisition ? L’atteinte à la laïcité est flagrante, l’autre crime est un crime de lèse-démocratie, de lèse-humanité.

Dès le discours de Latran, la question de la volonté politique du Président de remettre en question la laïcité se posait. A présent, on peut appréhender le stade supérieur de cette interrogation : jusqu’à quel point veut-il réformer la laïcité ? [3] Devant le comportement de ce président, missionnaire jusqu’au mépris total du bon sens, la question de la suppression pure et simple de la laïcité pour cause d’inutilité flagrante se fait pressante. Bien sûr, le Président Sarkozy est trop habile pour présenter de façon aussi crue et maladroite sa véritable volonté. Elle rencontrerait, dans sa brutalité, une résistance granitique. Néanmoins, la teneur et les contextes de ses discours doivent être considérés comme autant d’indices dangereux d’une véritable dérive susceptible de détruire le contrat social français. Nicolas Sarkozy est un animal politique. Penser qu’il agit, guidé par sa seule foi, alors qu’il fait lui-même un piètre dévot serait naïf. Le voir féliciter un pays dont le régime ultrareligieux a réduit à néant toute contestation, le voir louer la religion qui, à travers la piété de ses ouailles, fait oublier au peuple ses souffrances, est une piste. L’entendre appeler de ses vœux l’entrée des religions, voire de sectes au Conseil Economique et Social [4], l’entendre, par le biais du ministre symbole Hortefeux inviter les religions à « s’impliquer sur les sujets de société » [5] en est une autre. Nous voyons là peut-être l’esquisse d’un nouvel ordre où l’Etat, déléguant certaines prérogatives gravées dans le marbre constitutionnel, se dédouanerait de certains problèmes sociaux, laissés au jugement des communautés. A cette aune, la laïcité ne saurait être positive.


Voir aussi dans notre revue de presse rubrique 66 (note du CLR).


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