Revue de presse

"Radios : le quota de 40 % de chansons françaises sur la sellette" (Le Figaro, 3 août 19)

4 août 2019

[Les articles de la revue de presse sont sélectionnés à titre informatif et ne reflètent pas nécessairement la position du Comité Laïcité République.]

"De surcouche en surcouche, la loi Carignon, qui régit la proportion de chansons françaises et de nouvelles productions sur les ondes est devenue un véritable casse-tête pour les radios. La situation est difficilement tenable.

Souvent associée à la loi Toubon, la loi Carignon - du nom de l’éphémère ministre de la Communication du gouvernement Balladur -, adoptée le 1er février 1994, imposa aux radios privées, à partir de 1996, un quota de 40 % de chansons d’expression française, dont la moitié issue de nouveaux talents ou de nouvelles productions. L’intention était noble : promouvoir la production tricolore et la diversité. Mais ce qui devait être vertueux pour les consommateurs, les artistes et les producteurs est devenu, au fil du temps, un véritable casse-tête pour les radios musicales, les auditeurs ne s’y retrouvant pas forcément.

La loi initiale, très simple, s’est rapidement révélée trop rigide et antiéconomique. Effet pervers, le quota de 40 % a conduit à une uniformisation des programmations. Contraintes par la part de 20 % de nouveautés, des radios comme Nostalgie ou MFM, dédiées aux « golds » - les tubes populaires intemporels et donc anciens - ne pouvaient plus remplir leur contrat tacite avec les auditeurs. En même temps, des radios estampillées rock ou pop semblaient condamnées à perdre leur raison d’être, la pauvreté de la production hexagonale dans les deux genres ne leur facilitant pas leur tâche de sélection.

Au tournant des années 2000, des aménagements ont donc été apportés par deux régimes dérogatoires. Le premier, ramenant les proportions à 35 % pour les chansons françaises et les portant à 25 % pour les nouveautés, a vite été adopté par NRJ, Virgin ou Fun. Le second, plus exigeant sur la part tricolore (60 %) mais moins gourmand en nouveaux titres (10 %), a répondu aux attentes de Nostalgie, MFM ou Chantefrance. En donnant de la souplesse au système, le combat culturel restait compatible avec les formats de radios privées, financées par la publicité et donc par leur niveau d’audience.

Mais, il y a trois ans, une autre couche a été ajoutée par le législateur pour - officiellement - combattre le taux de rotation, jugé trop élevé, de certains titres parmi les nouveautés exigées par la loi. Et quelle couche ! Le législateur a créé un nouveau régime dérogatoire pour les radios dites « de découverte musicale » (seulement 15 % de nouveautés exigés), un malus (si plus de la moitié des diffusions de chansons francophones est concentrée sur dix titres, les diffusions supplémentaires desdits titres ne sont plus prises en compte dans les quotas) et un bonus (pour les radios passant plus de 1000 titres par mois, la part de nouveauté pouvant tomber à 15 %).

« Tout cela a conduit à un pudding administratif incroyable, dénonce Tristan Jurgensen, directeur général de RTL2 et Fun Radio. Nos programmateurs, qui sont censés faire des choix artistiques, passent désormais leur temps dans les tableaux de bord, la calculette à la main. S’il y a un consensus, c’est que plus personne n’est à l’aise avec cette loi ! »

Au niveau de la production, selon les chiffres du Snep, le nombre d’albums francophones produits est passé de 718 en 2003 à 248 en 2016, soit une chute de 65 %. Le résultat n’est pas flagrant.

L’environnement des radios a surtout radicalement changé. Plutôt que le bon vieux poste, les jeunes préfèrent écouter des playlists ou des podcasts, consommés via des plateformes de streaming. Dans des genres comme l’électro, les artistes français populaires (David Guetta, DJ Snake…) ne chantent pas en français et ne rentrent donc pas dans les quotas.
« Nous ne pouvons préserver l’exception culturelle comme en 1994, avec des quotas devenus obsolètes, estime Maryam Salehi, directrice déléguée du groupe NRJ. Il faut retrouver un point d’équilibre entre les besoins de l’industrie musicale, qui a repris des couleurs, et les besoins des radios, dans un environnement extrêmement concurrentiel, avec la présence de plateformes qui n’ont pas les mêmes règles à respecter. »"

Lire "Radios : le quota de 40 % de chansons françaises sur la sellette".


Voir aussi, dans la Revue de presse le dossier "Le franglais gagne du terrain" (Le Figaro, 3 août 19) dans la rubrique Langue française (note du CLR).


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