Revue de presse

"Renouvellement en profondeur du Comité d’éthique" (lemonde.fr , 21 sep. 13)

22 septembre 2013

"Le nouveau Comité consultatif national d’éthique (CCNE) adoptera-t-il des positions plus ouvertes que par le passé ? Alors que l’institution doit se prononcer dans les mois qui viennent sur des sujets aussi polémiques que la fin de vie, le don du sang par les homosexuels ou l’ouverture de la procréation médicalement assistée (PMA) aux couples de femmes, son changement de composition - le premier depuis mai 2012 -, détaillé dimanche 22 septembre dans le Journal Officiel, et dont le contenu avait été révélé dès samedi dans Le Monde, risque d’être particulièrement commenté.

L’institution, renouvelée par moitié tous les deux ans, va accueillir des personnalités comme l’avocat et ami du président Hollande Jean-Pierre Mignard, Jean-Marie Delarue, proche de la gauche, qui, en tant que contrôleur général des lieux de privation de liberté, a notamment alerté sur le délabrement de la prison des Baumettes. Ou encore la sénatrice PS Michelle Meunier, qui a fait des propositions en faveur des droits des transsexuels.

Autre évolution marquante, plus aucun religieux ne fera partie du comité. Les nouveaux représentants des "principales familles philosophiques et spirituelles", désignés par l’Elysée, sont des laïcs.

Un pasteur est remplacé par l’historienne spécialiste de la Réforme protestante Marianne Carbonnier-Burkard. C’est un neurologue, aussi connu pour ses écrits sur le Talmud, Lionel Naccache, qui succède à un rabbin. Leurs postes n’étant pas à renouveler, le théologien Xavier Lacroix continuera à représenter le "courant de pensée" catholique, et le philosophe Ali Benmakhlouf le courant islamique.

"Prendre des personnalités civiles et non des personnes inscrites dans la hiérarchie religieuse est une bonne chose, car ces dernières finissent toujours par engager leur religion dans le débat", témoigne Didier Sicard, qui a présidé le CCNE de mars 1999 à février 2008 et en est désormais président d’honneur.

Parmi les nouveaux venus figurent également les philosophes Cynthia Fleury et Frédéric Worms (qui remplace André Glucksmann), un psychanalyste et professeur de pédopsychiatrie, François Ansermet et, comme le veulent les statuts de l’institution, de nombreux chercheurs en médecine de la reproduction, neurobiologie, mathématiques, etc. Au total, quinze nouveaux membres intègrent le comité, alors que les renouvellements obligatoires (ceux arrivant au terme de deux mandats de quatre ans) se limitaient à sept.

Les avis donnés par ce nouveau collège seront déterminants. Le CCNE se voit en effet offrir une visibilité inédite depuis l’arrivée de la gauche au pouvoir. A chaque débat de société épineux, il est sollicité. Au point que l’exécutif semble parfois se défausser sur lui. [...]

Les nouvelles nominations donnent au comité une image plus progressiste. Plus à gauche, comme son nouveau président Jean Claude Ameisen ? Les nouveaux arrivants s’en défendent. "Je ne fais pas partie d’une opération de glissement à gauche du CCNE, balaie Jean-Marie Delarue. Je n’ai pas été choisi par le gouvernement comme personnalité qualifiée, mais par le Conseil d’Etat en tant que juriste, et j’espère qu’en la matière, mes compétences seront utiles. D’ailleurs, les options politiques ne recoupent pas toujours les options sociétales, on l’a vu notamment au printemps dernier [avec le mariage pour tous]".

Même tonalité chez Jean-Pierre Mignard. "Je n’y vais pas en tant que socialiste ou en tant que chrétien, affirme l’avocat. Je ne suis pas facilement classable et je revendique une liberté totale." Quid de sa proximité avec le président ? "Sur ces questions, je doute qu’il puisse m’imposer quoi que ce soit, répond-il. Tout comme j’ai renoncé depuis longtemps à l’influencer."

Le cabinet du président du Sénat, Jean-Pierre Bel, assume le choix de la sénatrice Michelle Meunier. "Le président nomme traditionnellement quelqu’un de sa majorité, explique-t-on. On n’allait pas choisir un élu qui n’est pas sur notre ligne ! Il est normal qu’une politique ait des convictions." Mme Meunier, favorable à l’ouverture de la PMA aux couples de femmes, relativise : "J’avance par mes rencontres. Je ne suis pas campée sur mes positions."

"La contribution la plus utile que l’on puisse attendre du comité dans sa diversité, nous disait M. Ameisen il y a quelques semaines, c’est une réflexion collective originale qui, à mesure qu’elle se construit, fait évoluer le point de vue initial de chacun de ses membres. Pour cette raison, il ne devrait pas y avoir de préjugé, à partir de la composition du comité, quant à la teneur des avis qu’il rendra".

La seule lecture politique des nominations serait un peu courte, selon les membres du CCNE. D’abord parce que chaque ministère ou grand corps nomme une ou plusieurs personnes isolément. Ensuite parce que le CCNE n’est pas une enceinte politisée. "Les gens ne peuvent pas être dans une position figée et dogmatique, affirme M. Gaudray. Sinon, nous ne pourrions pas fonctionner. Ils prennent le temps de s’écouter pour arriver à des positions plus subtiles. Il est d’ailleurs parfois difficile de connaître leur positionnement politique."

Pour preuve, malgré les vagues successives de nominations sous les différentes majorités politiques, il y a une "continuité" dans les avis, relève M. Gaudray. Le politique est ensuite libre d’en faire ce qu’il veut.

Cette stabilité des avis du CCNE pose une autre question : celle du renouvellement de la réflexion dans une assemblée composée en majorité de personnalités issues du monde de la recherche. Plus le temps passe, plus les questions dont il traite débordent le domaine médical pour toucher la société tout entière.

La PMA, réservée aujourd’hui aux couples dont l’infertilité est médicalement constatée, intéresse désormais les couples de femmes et les femmes seules, par exemple. Or la diversité de la société n’est guère représentée dans son enceinte. Les nouvelles nominations bousculeront peu cet équilibre."

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