Revue de presse

R. Dély : "Marianne, les femmes d’Algérie et le déni" (Marianne, 11 août 17)

Renaud Dély, directeur de la rédaction de "Marianne". 10 août 2017

"On mesure le degré d’avancement d’une société à la place qu’elle accorde aux femmes. Cette règle est immuable, valable depuis toujours et partout dans le monde. Plus un pays leur octroie droits et libertés, plus il peut se targuer de constituer un modèle de civilisation progressiste. A l’inverse, l’obscurantisme commence toujours par s’en prendre aux femmes, à leur statut, à leur mode de vie. Les religions sont le plus souvent l’outil de cet assaut qui vise à les contraindre, parfois à les cacher ou à les enfermer, et toujours à les confiner dans un rapport de soumission à l’homme.

L’antidote a un nom, c’est la laïcité. Ni souple, ni intransigeante, mais la laïcité tout court, indépassable valeur républicaine synonyme de liberté et de tolérance. [...]

Fidèle à cet engagement, Marianne a publié la semaine dernière, le 4 août, dans son numéro 1063, un excellent reportage de notre correspondant en Algérie, Atmane Tazaghart. Il racontait la révolte de femmes algériennes décidées à se baigner dans la tenue de leur choix sur la plage de Tichy, en Kabylie. Notre journaliste les a rencontrées, il les a fait témoigner, et ce courageux mouvement de protestation contre le harcèlement des hommes, et contre la pression des islamistes, mérite d’être soutenu et encouragé sans retenue. Cette rébellion, impulsée par quelques jeunes féministes à Annaba le 5 juillet, jour de la fête nationale algérienne, est capitale car elle illustre la capacité de résistance d’une société à l’oppression.

Les islamistes ne s’y sont pas trompés. Ils ont lancé dès juillet une campagne de dénigrement des féministes d’Annaba, appelant carrément à « ficher » les baigneuses s’affichant en Bikini sur les réseaux sociaux. Le week-end dernier, deux jours après la publication de notre magazine, une autre campagne de diffamation a commencé à se déchaîner sur les réseaux sociaux algériens, celle-ci nous visant directement. Nous avons été accusés de nous être fait berner par une fake news. Nos procureurs ont utilisé un canular de mauvais goût, une campagne anonyme intitulée « Le 7 août, je nage nue », pour nous nuire, et surtout pour délégitimer le combat des femmes kabyles. Ils ont mélangé sciemment deux informations, l’une fausse, la « baignade nue », l’autre vraie, l’annonce d’une « baignade républicaine » envisagée le même jour...

Ils ont partiellement atteint leur but puisque les jeunes femmes de Tichy, confrontées à de multiples pressions et provocations, ont renoncé, pour des raisons de sécurité, à organiser lundi leur authentique projet, cette fameuse « baignade républicaine ». Dès lors, pour boucler leur manipulation, nos calomniateurs n’avaient plus qu’à prétendre que le dessein de ces femmes n’était qu’un fantasme de journalistes français...

Lancée dans des milieux islamo-conservateurs, cette campagne de diffamation a été relayée par quelques médias français complices. Toujours les mêmes. Ceux qui se plaisent à accoler l’infamant qualificatif « islamophobe » aux défenseurs de la laïcité, relativisent les responsabilités des agresseurs islamistes en les faisant passer pour de pauvres victimes du passé colonial de la France, et se contentent de « psychiatriser » le comportement des terroristes qui s’attaquent à nos forces de l’ordre à la tour Eiffel, sur les Champs-Elysées ou dans les rues de Levallois-Perret.

La complaisance de ces « idiots utiles » de l’obscurantisme n’est pas seulement naïve ou stupide, elle est criminelle. Nier le combat des femmes qui militent pour leurs libertés en Algérie, en Tunisie ou ailleurs, c’est les condamner à l’asservissement par leurs mâles oppresseurs. Citée par l’AFP, Yamina Rahou, sociologue au Centre algérien de recherche en anthropologie sociale et culturelle (Crasc), ose prétendre que la société algérienne est prise « entre le marteau des intégristes qui veulent une police des mœurs et des plages pour les femmes et l’enclume de la marchandisation du corps des femmes des Occidentaux qui veulent imposer une modernité débridée » ! Indécente défausse qui renvoie dos à dos l’intégrisme meurtrier et la société occidentale, marchande, certes, mais pacifique. Comme si ces deux maux se valaient... [...]"

Lire "Marianne, les femmes d’Algérie et le déni".



Comité Laïcité République
Maison des associations, 54 rue Pigalle, 75009 Paris

Tous droits réservés © Comité Laïcité RépubliqueMentions légales