Revue de presse

R. Debray : "La République à la française a disparu sous la démocratie à l’anglo-saxonne" (Le Monde, 4 mai 17)

5 mai 2017

"Ecrivain et médiologue, directeur de la revue Médium – dont le numéro 51 d’avril-juin intitulé « A la française » (220 pages, 14 euros) vient de paraître –, Régis Debray publie Civilisation (Gallimard, 231 pages, 19 euros), une réflexion sur la façon dont « nous sommes devenus américains » et revient sur une campagne présidentielle qui cherche à faire valser les anciens clivages politiques.

Croyez-vous que le clivage entre la droite et la gauche soit dépassé et qu’une opposition entre progressistes et conservateurs, mondialistes et patriotes soit plus adaptée pour qualifier les affrontements idéologiques de notre temps ?

Vous connaissez l’adage prêté à Valéry : « Tout ce qui est simple est faux et tout ce qui ne l’est pas est inutilisable. » Nos politiques, en ce sens, font du bon boulot. Les programmes électoraux, on le sait bien, sont de la publicité mensongère. Les costumiers idéologiques n’ont pas moins de talent, avec du manichéisme pour enfant de 7 ans. L’ouvert contre le fermé ? Vous préférez, cher électeur, la cave ou la terrasse, l’air vicié ou l’air du large ? Bravo. Mais ouvert aux privilégiés du vaste monde ou à ses damnés ? Et en se refermant sur quel petit entre-soi ?

Autre opposition : M. Macron représente les patriotes, soit. Mais où a-t-il obtenu son meilleur score, au premier tour, avec une majorité absolue ? Chez les Français de New York et de la City, patriotes un peu étranges, disons : évasifs. Mme Le Pen oppose le national au mondial, soit. Mais la construction nationale a opéré avec le droit du sol, par assimilation des immigrés venus de partout et sous le signe de l’universel, alors que le nationalisme, c’est l’inverse. [...]

La culpabilisation des hésitants, le "tenez-vous correctement" lancé trois fois par jour par les rédactions unanimes et tout ce qui compte en France semblent aussi contre-productifs que le chorus du oui avant le référendum européen. [...]

Le néo-libéral et le néo-tribal se renvoient la balle comme larrons en foire, chaque pôle se justifiant et se fortifiant de son opposé, en fait de son complémentaire. Entre un capitalisme financier à qui tout est permis et un socialisme qui a oublié jusqu’à son b.a.-ba s’est ouvert une grande brèche, et le courant d’air qui sort de là fait tourner les ailes du moulin Le Pen depuis une vingtaine d’années. [...]

Homo oeconomicus a remplacé aux commandes Homo politicus, comme aux Etats-Unis, avec voie express du capital au Capitole. [...]

Les Bourses européennes ne seront pas les seules à se réjouir le 8 mai prochain, nous aussi nous serons contents de voir succéder à deux présidents incultes un homme de chiffres qui a des lettres. un vernis, c’est mieux que rien. [...]

Un empire en crise qui a 700 bases militaires sur les cinq continents, dix porte-avions en activité - la Chine et la Russie n’en ont qu’un chacune - et dont le budget de la défense équivaut à celui de la totalité des autres pays peut voir venir sans trop de crainte. [...]"

Lire « Le clivage gauche-droite fait partie du mobilier national ».




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