Colloque "L’école laïque : émancipation et citoyenneté" (Paris, 14 déc. 19)

Propositions pour une refondation de l’enseignement primaire et secondaire (CLR, 14 déc. 19)

L’école est le creuset de la République laïque. 14 décembre 2019

La laïcité est une philosophie politique issue des Lumières. L’idéal des Lumières est un idéal d’émancipation par la maîtrise du jugement, seul fondement authentique de la liberté individuelle et collective.

Condorcet, dans ses Cinq mémoires sur l’instruction publique, s’oppose à la domination théologico-politique qui met sous tutelle les consciences et donc le libre-arbitre.

Même s’il n’employait pas le mot, il définit les grandes lignes de la laïcité : un État (une République) attaché à promouvoir le bien public et l’émancipation des citoyens, ne peut se concevoir sans une instruction publique et laïque.

La IIIe République a instauré la laïcité scolaire avant même la loi de séparation des Églises et de l’État : les lois Ferry de 1880-82, la loi Goblet de 1886 et le statut de fonctionnaire accordé aux instituteurs en 1889 marquent le début de l’Ecole laïque.

Depuis 1946, les Constitutions qui se sont succédé énoncent que : « … l’organisation de l’enseignement public gratuit et laïque à tous les degrés est un devoir de l’État ».

1- LA LAICITE DE L’ÉCOLE DOIT ÊTRE AFFIRMEE

Depuis la loi Debré (1959), la loi Guermeur (1977), les accords Lang-Cloupet (1992-1993), la Loi Carle (2009) la France est un des très rares pays européens à financer l’école privée sous contrat, essentiellement catholique.

Rien ne justifie ce financement qui met en concurrence deux réseaux scolaires, sans les mêmes exigences, au détriment de l’enseignement public.

a. Les fonds publics doivent aller à l’école publique

Désengager progressivement l’État et les collectivités locales du financement des établissements privés d’enseignement, transférer l’ensemble des moyens publics dégagés au financement de l’Éducation nationale.

b. Combattre les enseignements anti-laïques

Contrôler plus fermement qu’aujourd’hui l’enseignement à domicile et fermer si nécessaire les écoles confessionnelles hors contrat.

c. Assurer la neutralité des personnels

Affirmer par décret et si nécessaire par la loi, le principe de laïcité pour toutes les missions assurées dans le cadre des activités scolaires et périscolaires et la neutralité de tous les personnels titulaires, auxiliaires, occasionnels et bénévoles chargés de l’accomplissement de ces missions1.

2- FORMER À LA LAÏCITÉ LES ENSEIGNANTS ET LES AUTRES INTERVENANTS DANS L’ÉDUCATION NATIONALE

Les enseignants sont souvent démunis parce qu’ils méconnaissent l’histoire et les enjeux de la laïcité dans la République et l’École. Ils sont démunis aussi face aux positions relativistes dont certains élèves se font l’écho. Ils subissent la montée de l’intégrisme politico-religieux.

a. Former les enseignants à la laïcité dans les INSPE (Instituts Nationaux Supérieurs du Professorat et de l’Education)

Affermir l’enseignement et l’application concrète de la laïcité dans les INSPE (successeurs des ESPE) par des circulaires claires. Celles-ci devront notamment préciser que, durant leurs années de formation, les étudiants qui se destinent à l’enseignement se conformeront à ce principe républicain qu’ils auront par la suite à « transmettre et faire partager » à leurs élèves. Il conviendra en outre d’assurer le contrôle de sa mise en œuvre.

b. Assurer la formation initiale à la laïcité des auxiliaires de l’enseignement

Affermir l’enseignement et l’application concrète de la laïcité dans une formation qui est à créer et à mettre en place pour les surveillants et autres aides et auxiliaires de l’enseignement, qui sont au plus près des élèves quotidiennement, qui prennent leurs fonctions sans formation et à qui il serait bon de rappeler les principes de la laïcité.

c. Assurer la formation continue des personnels à la laïcité

Développer l’enseignement et l’application concrète de la laïcité dans la formation continue des enseignants et personnels encadrants, directeurs, principaux, proviseurs, inspecteurs, tuteurs pédagogiques et auxiliaires de l’enseignement… 

d. Acculturer tous les acteurs de l’école à la laïcité

Favoriser la connaissance de la laïcité dans chaque établissement scolaire, pour que tous les acteurs (enseignants, personnels, élèves, parents) se l’approprient, avec l’appui des associations laïques reconnues et certifiées.
L’École doit éduquer tous ses acteurs aux principes de laïcité, valoriser l’universalisme et la fraternité contre les communautarismes et le repli identitaire

e. Ces actions concernent aussi l’école privée sous contrat

Mettre en œuvre l’ensemble de ces mesures dans les écoles privées sous contrat et assurer le contrôle de leur exécution.

3- UNE ÉCOLE LAÏQUE DE LA RÉUSSITE POUR TOUS LES ÉLÈVES

Depuis les années 1980, il y a eu une massification de l’enseignement sans permettre une véritable démocratisation. Paradoxalement, l’École accroît la fracture sociale et culturelle, alors qu’elle devrait être le principal agent de sa réduction.

La loi d’orientation de 1989 parlait de « l’élève au centre », aujourd’hui de nombreux responsables éducatifs évoquent la bienveillance, l’inclusion de toutes les singularités et la maîtrise par tous les élèves, à la fin du collège, d’un socle commun de connaissances, de compétences et de culture.

Rarement sont évoquées les questions de l’exigence et du haut niveau des connaissances, qui devraient être transmises aux élèves. C’est le plus souvent l’alignement sur le plus petit dénominateur commun, le moins disant culturel, la victimisation sociale ou ethnique qui prévalent.

L’Ecole doit de nouveau être perçue comme une chance et un instrument de promotion pour chacun des élèves. Plutôt que de conforter au nom de la stigmatisation les exclus, les relégués de la société dans une position victimaire, il faut redonner du sens au pacte républicain. La bienveillance associée à l’exigence n’a de sens que comme une pratique pédagogique efficace pour faire réussir tous les élèves.

a. Affirmer l’universalité des enseignements

Les enseignements sont laïques. Aucun sujet n’est a priori exclu du questionnement scientifique et pédagogique.
Aucun élève ne peut invoquer une conviction philosophique, religieuse ou politique pour contester le droit de traiter une question au programme.

Nul ne peut se prévaloir de son appartenance religieuse pour refuser de se de se conformer aux règles applicables dans l’École de la République.

b. Assurer la qualité et la cohérence des programmes pour former des citoyens

L’école de la République doit être conçue comme le lieu où l’on apprend dès le primaire, à maîtriser les savoirs élémentaires (lire, écrire, compter), puis couvre tous les champs du savoir et du questionnement scientifique.
Le socle commun de connaissances, que doivent avoir acquises tous les élèves à la fin du collège, doit s’appuyer sur des programmes validés conjointement par des intellectuels et scientifiques incontestables et les inspections générales disciplinaires.

c. Combattre l’embrigadement de la jeunesse par la transmission des savoirs critiques

L’École doit permettre de s’émanciper par la pensée critique, à de penser par soi-même, à de devenir un citoyen, à de partager les mêmes droits et les mêmes devoirs avec les autres.
L’École doit permettre de construire un regard critique sur tous les modes de communication et d’information, notamment les réseaux sociaux. Elle doit permettre de déconstruire les thèses complotistes.

4- UNE ÉCOLE QUI INTÈGRE ET DONNE A CHACUN LES MOYENS D’UNE INSERTION SOCIALE HARMONIEUSE

a. Assurer la mixité sociale et scolaire

L’École ne doit pas être un ghetto social ou ethnique. Il faut favoriser autant que possible dans les établissements et les classes la mixité sociale et scolaire.
L’École doit se donner comme priorité d’empêcher le décrochage scolaire et d’organiser le suivi des éventuels décrocheurs.

b. Favoriser une orientation fluide

L’École doit valoriser au même titre toutes les voies de formation, générale, technologique ou professionnelle, en favorisant les passerelles ; chacune devant permettre une orientation ciblée dont l’enseignement supérieur n’est pas le seul objectif.



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