Revue de presse

"Procès Bensoussan : la dangereuse judiciarisation du débat d’idées" (B. Lefebvre, J. Tarnero et M. Tribalat, Le Figaro, 29 mars 18)

Barbara Lefebvre, Jacques Tarnero et Michèle Tribalat. 29 mars 2018

"Relaxé en première instance, l’historien comparaît en appel aujourd’hui. Un procès inquiétant qui menace de créer un « délit d’opinion », selon les membres fondateurs de l’association Voir et dire ce que l’on voit.

L’historien Georges Bensoussan a été relaxé le 7 mars 2017 de l’accusation du « délit d’incitation à la haine raciale » par la 17e chambre correctionnelle du tribunal correctionnel de Paris après un long procès qui s’est déroulé le 25 janvier 2017. Il va comparaîtreà nouveau, devant la 11e chambre de la cour d’appel, le 29 mars prochain. Si le rang des parties civiles s’est un peu clairsemé - la Licra et SOS-Racisme se sont retirés -, le ministère public,le CCIF, la LDH et le Mrap ont fait appel du jugement en dépit d’une motivation particulièrement pertinente.

Accusé de provocation à la haine raciale pour des propos tenus au cours de l’émission Répliques d’Alain Finkielkraut (sur France Culture, le 10 octobre 2015) notamment sur l’existence d’un antisémitisme musulman et sur les risques de tensions encourus de ce fait par la société française, Georges Bensoussan va devoir à nouveau s’expliquer et se justifier devantun tribunal de la République.

C’est pourtant le mérite de Georges Bensoussan, depuis le premier opuscule des Territoires perdus de la République , d’avoir alerté sur le recul de la République face aux stratégies de l’islam politique sur ces territoires gangrenés par l’antisémitisme autant que par l’islamisme et les trafics.

On est en droit de s’interroger sur la position du parquet de faire cause commune avec des associations dont la stratégie est d’instrumentaliser la justice pour imposer un nouveau délit d’opinion destiné à poursuivre tous ceux qui parlent de manière critique de l’« islam » et des « musulmans » au sein de la sphère médiatique (presse écrite, radio, télévision).

Cet antiracisme dévoyé a pris une telle importance qu’il est devenu de pratique courante de porter devant un juge qu’on cherche à dévoyer des propos qui relèvent du seul et libre débat public

Le plus étonnant, c’est que l’association à l’origine de la plainte, le CCIF, a été déclarée irrecevable dans sa constitution de partie civile par le juge en première instance ! Elle a fait pourtant appel et continue d’être suivie par le parquet en dépit de cette irrecevabilité.

Comment ce qui relève du débat intellectuel, aussi ardu et clivant soit-il, peut-il être tranché dans un prétoire ? Cet antiracisme dévoyé a pris une telle importance qu’il est devenu de pratique courante de porter devant un juge qu’on cherche à dévoyer des propos qui relèvent du seul et libre débat public. Cette instrumentalisation cherche à imposer des limites de plus en plus grandes à la liberté d’opinion et d’expression. Le débat, la controverse sont nécessaires à une démocratie. Elles en sont la marque. C’est ce que veulent interdire les nouveaux censeurs. Nous ne l’acceptons pas car la justice des susceptibilités n’existe pas. Pas encore…

L’extension du domaine de l’incitation à la haine à n’importe quel propos dérangeant ou jugé choquant désapprend au citoyen ce qu’exige absolument la liberté d’expression, pilier de la démocratie : maîtrisersa sensibilité personnelle et supporter d’entendre des propos qui déplaisent. C’est la base du débat. Aucune discussion honnête ne peut s’engager si elle nécessite que chacun essaie de deviner tout ce qui pourrait désobliger un interlocuteur menaçant et donc que chacun s’oblige à l’autocensure. Nous n’avons pas tous les mêmes sensibilités et la liste risque d’être longue. C’est la recette pour un conformisme aveugle aux réalités fâcheuses qui, si elles sont tues, n’en continueront pas moins de prospérer. Le principe de précaution - « évitons de parler de phénomènes de société dérangeants » - appliqué ici à l’évocation de questions sociales et culturelles majeures risque de nous conduire dans le mur.

L’extension du domaine de l’incitation à la haine à n’importe quel propos dérangeant ou jugé choquant déssapprend au citoyen ce qu’exige absolument la liberté d’expression, pilier de la démocratie

Depuis l’affaire Rushdie, la judiciarisation du débat d’idées constitue l’autre versant de la stratégie d’étouffement du débat sur l’islam comme culture, comme fait social, comme religion. Le premier versant est l’intimidation violente dont notre pays a fait la douloureuse expérience. Cette stratégie internalise la susceptibilité des musulmans. Elle conforte l’aveuglement en interdisant tout discours critique. Elle conforte aussi la crainte et légitime la menace, puisque toute critique de l’islam serait susceptible de provoquer des réactions imprévisibles, voire violentes. Notre débat public doit-il vivre à l’ombre de la menace ?

L’islam devrait faire ainsi l’objet d’une sorte d’exception et être épargné de toute critique exigeante telle que les citoyens en Occident ont l’habitude de la pratiquer depuis la Renaissance, les Lumières ou la critique des idéologies. Ce serait infantiliser les musulmans, les mépriser, les traiter comme d’éternels outsiders. Ayaan Hirsi Ali décrit cette manière de penser comme un « racism of low expectation », c’est-à-dire une sorte de condescendance à l’égard de personnes dont on n’attend pas grand-chose.

Cette manipulation de la justice française dont témoignent les poursuites engagées contre Georges Bensoussan a été bien intégrée par une association comme le CCIF, qui a compris qu’elle pouvait retourner les armes de la démocratie contre celle-ci. Si l’Organisation de la coopération islamique (OCI) œuvre ouvertement auprès de l’ONU pour faire reconnaître le blasphème et limiter la liberté d’expression dès qu’il s’agit d’islam, le CCIF œuvre dans le même sens en apposant l’étiquette « islamophobe » sur tout propos critique envers l’islam ou l’oumma, et en conduisant devant les tribunaux ceux qui osent énoncer des faits dérangeants.

La complaisance d’associations antiracistes à suivre le CCIF tout comme celle du parquet à relayer cette stratégie est une menace mortellepour la démocratie. Elle est en total porte-à-faux avec la volonté politique affichée de lutte contre la radicalisation islamiste."

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