Forum "République et islam" (Assemblée nationale, 22 juin 15)

Patrick Kessel : "Il faut lever les confusions" ("République et islam", 22 juin 15)

Patrick Kessel, président du Comité Laïcité République. 26 juin 2015

Ce forum intervient alors qu’il y a moins de six mois, des attentats barbares ont frappé la République au coeur. Dans notre pays, des caricaturistes, des Juifs, des policiers ont été assassinés pour ce qu’ils étaient. Au lendemain de l’immense et émouvant sursaut populaire et républicain, le chef de l’Etat et le Premier ministre, avec force conviction, ont annoncé le retour de la laïcité. La ministre de l’Education nationale a déclaré que si dans le passé on avait pu dire "Surtout, pas de vagues", désormais, "on ne laisserait plus rien passer". Nous nous en sommes félicités.

Mais, au fil des jours, une profonde déchirure culturelle s’est révélée, qui ne se réduit pas mécaniquement à la fracture sociale. En 2003 déjà, le rapport Obin, réalisé par des inspecteurs de l’Education Nationale nous mettait en garde contre la montée des communautarismes à l’école, dans les services publics, et les menaces pour la paix sociale et l’unité de la Nation. Certains ont préféré s’en prendre à la laïcité plutôt qu’au différentialisme. C’est là une lourde responsabilité car la montée des communautarismes nourrit en réaction celle, particulièrement inquiétante, d’une extrême-droite qui tente de détourner la laïcité à des fins de stigmatisation. On combattra l’ascension du Front national non par le déni des problèmes mais avec plus et mieux de laïcité.

Aussi faut-il lever les confusions. Et rappeler que la laïcité garantit la liberté de conscience et donc la liberté de pratiquer un culte. Qu’elle n’est tournée contre aucune religion. De la même façon, si le racisme, sous toutes ses formes, constitue un délit qui doit être implacablement réprimé, il n’est pas acceptable de traiter d’islamophobe et de raciste toute personne qui critique le communautarisme ici, le fanatisme la-bas. Et ce, alors que l’immense majorité des citoyens de culture et de confession musulmanes aspirent à vivre en tant que citoyens français, comme les autres, avec les autres.

Il y a plus de vingt ans, Régis Debray nous avait prévenu, le droit à la différence ouvrirait la voie à la différence des droits. Nous y sommes.

Ces sujets, la fracture culturelle, l’identité, la laïcité, seront au coeur de la prochaine élection présidentielle. Il est donc urgent de soutenir les initiatives qui favorisent le dialogue, l’intégration républicaine, la lutte contre toutes les formes de racisme, la laïcité sans qualificatif.

C’est le sens de ces appels et c’est pourquoi le Comité Laïcité République soutient cette initiative heureuse de Jean Glavany.

Deux remarques néanmoins visant à clarifier cette démarche.

  • Il est important de s’assurer que ces nouvelles instances de dialogue ne conduisent pas à reconnaître les communautés religieuses comme interlocuteurs institutionnels de l’Etat, ce qui reviendrait à contourner l’article 2 de la loi de 1905 et à affaiblir gravement la laïcité. C’est vrai pour cette nouvelle instance, comme c’est vrai pour le dîner du Crif ou la réunion annuelle des évêques à Matignon. La République n’est pas l’addition de communautés aux droits différents mais l’ensemble des citoyens qui, quels que soient leur naissance, la couleur de leur peau, leurs appartenances religieuses, politiques, philosophiques, sexuelles, sont des citoyens libres et égaux en droits.
  • Il convient aussi de rappeler que si la République ne pourrait que se réjouir de l’émergence d’un "islam des Lumières", et d’imams formés aux principes de la République, ce n’est pas à elle de s’immiscer dans le débat interne des religions. La loi de séparation fonctionne dans les deux sens. Ce n’est pas à l’Etat de dire aux croyants comment leur religion devrait évoluer. Mais c’est à lui de faire appliquer la loi républicaine, égale pour tous et, en premier lieu l’égalité entre hommes et femmes.

Un voeu pour terminer. Nous sommes réunis à l’Assemblée nationale. Je pense à cette belle unanimité des députés, debout, entonnant à l’unisson La Marseillaise, pour la première fois depuis 1919. C’était au lendemain des attentats de janvier. Un message témoignant, au-delà des appartenances politiques et des enjeux électoraux, de l’attachement commun aux principes fondateurs de la République. Un message qui fait sens et doit être porté. En particulier, à l’attention de ces gosses des cités qui se définissent comme blacks, blancs, reubeux, feujs, corses, bretons, homo... et se sentent étrangers dans leur pays, alors qu’ils sont citoyens de la République, qu’ils sont la République de demain.


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