Note de lecture

Marc Blondel : quand militer signifiait courage et liberté de ton (P. Kessel)

Par Patrick Kessel, président du Comité Laïcité République. 30 mars 2015

Marc Blondel (coll. Eric Yung), Rebelle : itinéraire d’un militant, Le Cherche Midi, 2015.

Marc Blondel, l’homme aux bretelles, au Havane et à l’écharpe rouge, syndicaliste, libre-penseur, militant laïque, franc-maçon, fut toute sa vie un rebelle. D’image, de raison et de coeur. C’est donc naturellement le titre de l’ouvrage qu’il a réalisé en collaboration avec Eric Young, que publient les éditions du Cherche midi.

Ce récit du parcours de Marc Blondel constitue "l’itinéraire militant d’un homme", selon l’expression de Jean-Claude Mailly, secrétaire général de Force Ouvrière, qui en signe la préface. Le témoignage d’une époque où l’engagement militant valait pour des convictions, une éthique, une camaraderie, des valeurs, un comportement, des fidélités.
Où militer signifiait abnégation et courage. Parfois témérité, entêtement, caractère au point d’en avoir trop pour satisfaire aux canons de la beauté médiatique. Marc possédait ces qualités et peut-être ces défauts, sans lesquels les personnages ne seraient que des mythes. Ses amis lui savent gré de ce qu’il a été, des idées qu’il a portées, des batailles qu’il a menées.

Quatre fois élu secrétaire général de la CGT-Force Ouvrière - siège qu’il laissera en février 2004 à Jean-Claude Mailly -, président de la Libre-Pensée, membre actif du Grand Orient de France, membre fidèle du Parti socialiste en dépit de désaccords, Marc Blondel était aussi connu pour sa liberté de ton, ses répliques qui claquaient comme des balles de tennis à la volée. Par ses responsabilités, il a rencontré François Mitterrand et Jacques Chirac, entretiens et relations qu’il évoque dans cette autobiographie.
Mais c’est avec Pierre Bérégovoy, l’ouvrier devenu Premier ministre, qu’il se lia d’une amitié sincère. "Il était mon ami et je l’aimais", dit-il avec pudeur. Comment ne pas partager cette émotion pour ceux qui ont connu l’un et l’autre de ces hommes qui savaient s’apprécier et se respecter au-delà de leurs désaccords ?

Un autre grand homme a marqué le parcours de Marc, Fred Zeller, artiste peintre, Grand Maître du GODF, qui, dans sa jeunesse, avait travaillé avec Léon Trotsky lors de son exil en Norvège. Marc relate comment il entra au GODF, lequel "a poli son tempérament et en a ôté bien des rugosités".
Mais il n’en fallait pas plus à quelques journalistes avides de sensationnel pour associer lambertisme, Force Ouvrière et GODF et prêter à Marc des liens de sujétion ! Dans son dernier ouvrage, Blondel entend, une bonne fois pour toutes, mettre les points sur les i en affirmant qu’il n’était pas trotskiste, de la même façon qu’il rejette "cette histoire ridicule de pseudo-financement de FO par la CIA".

L’autobiographie permet de butiner agréablement, des accords de Grenelle aux 35 heures, du Pas-de-Calais où il vécut sa jeunesse au conseil d’administration du Bureau International du travail où il siégea près de 25 ans, et de suivre celui qui, dans les dernières lignes de cette ultime contribution, écrivait de lui qu’il restera "à jamais un militant et un combattant en faveur de la cause sociale et humaine".

Patrick Kessel


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