Revue de presse

"Les médias de gauche face à une fracture idéologique générationnelle" (lefigaro.fr , 20 oct. 21)

21 octobre 2021

[Les éléments de la revue de presse sont sélectionnés à titre informatif et ne reflètent pas nécessairement la position du Comité Laïcité République.]

"Dans des rédactions comme L’Obs , Libération et Le Monde , engagées dans la protection des droits des minorités, une partie des journalistes pointent un fossé idéologique autour de sujets comme la laïcité, le genre ou l’école.

Par Claudia Cohen

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[...] Sur fond de désaccords idéologiques autour de sujets aussi structurants que la laïcité, les minorités, le genre ou l’école, plusieurs journalistes en poste depuis de nombreuses années estiment qu’un clivage s’est installé dans les équipes rédactionnelles. « On peut aujourd’hui parler de fracture idéologique et générationnelle au sein de la rédaction », confie une journaliste historique de L’Obs.

Dans des rédactions comme L’Obs, Libération et Le Monde, engagées dans la protection des droits des minorités, une partie des journalistes s’inquiètent du conflit latent entre le courant multiculturaliste et la notion d’universalisme républicain. Ce dernier incarnant une conception de la citoyenneté centrée sur l’individu en tant que membre de la collectivité nationale, indépendamment de toute communauté d’appartenance. « Au quotidien, on ne rit plus des mêmes choses, on ne s’indigne plus des mêmes choses », lance un journaliste de L’Obs. La nouvelle génération issue du web et des réseaux sociaux est jugée plus décomplexée sur ses engagements politiques et sociétaux. « Ils ont une tendance à prôner le politiquement correct, avec en tête cette peur de banaliser des idées dangereuses », abonde le journaliste.

Sans craindre pour leur place, plusieurs journalistes confient leur « lassitude » face aux transformations de ces lignes éditoriales. Ils pointent un fossé générationnel qui se creuse avec l’arrivée, en novembre 2020, à la direction de la rédaction de Cécile Prieur, ancienne directrice adjointe de la rédaction au Monde. « Sa prédécesseur, Dominique Nora, était la dernière gardienne du temple, juge une journaliste. Elle incarnait la stabilité d’une ligne éditoriale de gauche universaliste. » Durant l’été 2020, quelques mois avant que Dominique Nora ne décide de quitter son poste de directrice de la rédaction, son édito - « Ce désastre radical qui jette le discrédit sur le féminisme » - critiquant la militante féministe Alice Coffin, avait suscité des remous. « ‘Si tu écris contre elle, tu écris contre tout ce qu’elle défend’, lui avait reproché une partie de la rédaction web lors d’une conférence de rédaction en visio », explique un rédacteur. [...]

Au Monde, également, le traitement des questions autour de la laïcité hérisse certains journalistes. « Il y a toujours eu un pluralisme d’idées, mais on le ressent plus ces dernières années. C’est sur les questions du foulard islamique, du voile et de la présence de la religion dans l’espace public que les divergences sont perceptibles », explique un rédacteur en chef du journal. Pour rassembler les équipes, la direction a créé un comité de rédaction dédié à l’écriture inclusive, en proposant un lexique sur les « nouveaux mots de l’antiracisme ». À l’instar du terme « racisé », à utiliser avec « parcimonie ».

« Chez les plus jeunes, il y a une influence des courants universitaires nouveaux sur la laïcité ou l’histoire de la colonisation. Nous ne partageons plus les mêmes références, analyse un chef de rubrique. Ces nouveaux apprentissages sont partout, ils dépassent la frontière des écoles de journalisme françaises » Dans le journal, le sujet des réunions non mixtes organisées par le syndicat étudiant Unef, réservées aux victimes de racisme ou de sexisme, a posé problème à une période. « On a ressenti une fracture des journalistes. D’un côté, certains disaient que nous n’étions pas allés assez loin dans notre façon de les dénoncer. Alors que d’autres, souvent plus jeunes, trouvaient au contraire que nous avions été intolérants vis-à-vis de ce phénomène », abonde le journaliste. [...]

Du côté du journal Libération, les questions autour de l’islam, de la présence de la religion dans l’espace public et du féminisme divisent aussi certains services. « Les jeunes qui arrivent à Libé pensent toujours qu’ils rejoignent un journal d’extrême gauche. Or, ce n’est pas forcément le cas, juge un rédacteur de Libé. Alors on s’efforce de rappeler les fondamentaux de la charte du journal : le pluralisme d’expression entre la gauche radicale, la tendance écolo et la social-démocratie. »

Récemment, l’arrivée dans les pages de Libé de la dessinatrice Corinne Rey, dite Coco (rescapée de l’attentat terroriste contre Charlie Hebdo le 7 janvier 2015), divise la rédaction. La dessinatrice s’affiche comme « anti-woke » sur les réseaux sociaux. Et ses dessins, parfois qualifiés de sexistes et islamophobes, sont critiqués. « Certains ont du mal à accepter qu’elle puisse rire des minorités, explique une journaliste. Pour l’instant, la direction soutient Coco, elle veut relancer ce qui a fait l’ADN du journal : la provoc tout en subtilité. » [...]

Au-delà des motivations idéologiques, certains considèrent que s’afficher dans le « camp du bien » sur des thématiques sociétales répond avant tout à une logique commerciale. « Les actionnaires se laissent séduire par les idées de cette nouvelle génération, qui s’inspire des codes progressistes américains », juge un journaliste. L’objectif étant pour les médias d’obtenir de bons référencements auprès de ceux qui sont devenus, au fil des années, les meilleurs kiosquiers numériques : Google et Facebook. [...]"

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