Revue de presse

"Les jeunes tartufes" (Y. Haenel, Charlie Hebdo, 22 déc. 23)

(Y. Haenel, Charlie Hebdo, 22 déc. 23). 22 décembre 2023

[Les éléments de la Revue de presse sont sélectionnés à titre informatif et ne reflètent pas nécessairement la position du Comité Laïcité République.]

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Lire "Les jeunes tartufes".

"J’apprends qu’il y a quelques jours une professeure de français du collège Jacques-Cartier d’Issou, dans les Yvelines, a été accusée à la fois de choquer ses élèves et d’être « raciste », et qu’elle se sent maintenant menacée parce qu’elle a montré en classe un tableau de Giuseppe Cesari, dit le Cavalier d’Arpin (XVIe-XVIIe siècle), représentant la déesse Diane entourée de quatre nymphes se baignant nues, surprises par le chasseur Actéon.

Le tableau, que je suis souvent allé voir au musée du Louvre, illustre une scène merveilleuse des Métamorphoses d’Ovide, celle où Actéon est transformé en cerf pour avoir transgressé un interdit : voir la nudité de la déesse. Le tableau du Cavalier d’Arpin insiste sur la punition : sur la tête d’Actéon poussent des bois de cerf, et l’on sait que ses propres chiens, le prenant pour l’animal qu’ils traquent, vont le dévorer.

Représentation de l’interdit

C’est toute l’ironie de cette piteuse curée contre la professeure. L’objet qu’elle tendait aux regards de ses élèves parlait de cela même dont ils se prévalent : l’interdit. En braquant leurs regards sur les corps nus des femmes, ils ont ainsi dénaturé ce qui leur était montré, et projeté symboliquement leur professeure à la place d’Actéon, en désirant qu’elle soit punie.

Car ces élèves ne se sont pas seulement déclarés offusqués par la forme ronde et généreuse des croupes et des poitrines, mais ont estimé que cela portait atteinte à leur religion (ainsi, mélangeant tout, ont-ils taxé de « racisme » le fait de montrer des nus à des musulmans).

On peut se demander si leur pruderie ne serait pas un peu (beaucoup) simulée. Nietzsche nous renseigne assez bien sur la question : un homme offensé est un homme qui ment, écrit-il en substance. Car ce tableau – il s’agit en effet de peinture, c’est-à-dire d’une représentation imaginaire et stylisée, pas d’une photographie du réel – donne à voir une baignade, non un acte sexuel. Les femmes sont nues comme on l’est quand on se lave  ; et si l’on regarde vraiment le tableau au lieu de s’en offusquer automatiquement, on s’aperçoit qu’on ne voit pas grand-chose (les nymphes se détournent et masquent leurs corps avec leurs bras), autrement dit cette peinture est d’une extrême délicatesse.

Est-ce que ces petits puritains de collège ne feraient tout simplement pas semblant d’être choqués pour s’opposer à leur professeure  ? Ne joueraient-ils pas de même avec la religion comme d’un alibi  ? Leur incompréhension ne serait-elle pas volontaire  ? En tout cas, en regardant mal les femmes qui sont sur ce tableau (en les prenant pour des objets sexuels), ils les dégradent. Puis, évidemment, ils accusent la femme qui leur a montré le tableau. Les véritables obsédés sexuels, ceux qui ne pensent qu’à ça et ne voient que ça, ce sont les puritains. Et les puritains, qu’ils habillent leur pseudo-vertu de religion ou pas, sont toujours hypocrites."


Voir aussi dans la Revue de presse les dossiers Profs menacés dans Atteintes à la laïcité à l’école publique, Ecole : programmes, dans Ecole (note de la rédaction CLR).


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