Revue de presse

"Laïcité : la guerre des gauches est déclarée" (lefigaro.fr , 23 nov. 20)

24 novembre 2020

[Les éléments de la revue de presse sont sélectionnés à titre informatif et ne reflètent pas nécessairement la position du Comité Laïcité République.]

"Une ligne de fracture sépare les sociaux-démocrates du PS et une partie des écologistes et LFI.

Par Sophie de Ravinel

Samedi, en milieu de journée, Anne Hidalgo a lancé une grenade dans son propre camp de la gauche et des écologistes, sur le terrain miné de la laïcité. Un engagement militaire audacieux mais risqué puisque les déflagrations en série provoquées pourraient l’atteindre elle-même. S’adressant aux écologistes d’EELV, elle affirme avoir un « un problème » avec leur « rapport à la République ». Ces mots lapidaires adressés aux adhérents des Verts lors d’un long entretien sur BFMTV sont tombés juste avant que Julien Bayou ouvre le Conseil fédéral de son parti. Or il se trouve que le secrétaire national d’EELV a justement lancé son discours sur les accusations portées contre les siens sur le thème de la laïcité. Sans avoir entendu, affirme son entourage, les propos de la maire de Paris les appelant à « clarifier » leurs positions.

Bayou a donc simultanément illustré le problème présumé pointé par Hidalgo, revendiquant haut et fort la participation d’EELV à la marche contre l’islamophobie du 10 novembre 2019, à laquelle a aussi participé Jean-Luc Mélenchon avec les Insoumis. « On nous reproche aussi d’avoir participé à la manifestation en soutien aux musulmans après l’attentat terroriste qui visait des fidèles aux abords d’une mosquée à Bayonne, a-t-il dénoncé. Disons-le clairement : nous aurions dû être plus nombreuses et nombreux ! »

Dans son interview, Anne Hidalgo a quelque peu déformé la réalité, laissant croire que ses partenaires EELV n’ont pas été unanimes au dernier Conseil de Paris, sur l’attribution d’une place au nom de Samuel Paty, cet enseignant décapité en octobre par un terroriste islamiste.

Le groupe EELV a voté favorablement, laissant juste planer le doute sur leurs intentions par un rappel à un ancien règlement, interdisant toute attribution dans un délai de moins de cinq ans après le décès d’une personnalité. Julien Bayou s’en est violemment offusqué, lundi sur RFI, exigeant les excuses de la maire de Paris et dénonçant un mensonge « extrêmement grave ». Une « insulte » faite aux écologistes. « C’est une erreur politique majeure, quelque chose qu’on attend de l’extrême droite, pas d’un partenaire », clame son entourage.

Chef de file des écologistes aux municipales et adjoint de la maire, David Belliard s’est dit à Libération « sidéré » par l’attaque, véritable « meurtrissure ». Rarement autant qu’aujourd’hui, l’arc républicain de gauche mis en place par Anne Hidalgo n’a été aussi fragilisé. L’adjoint PCF Ian Brossat a appelé lundi David Belliard pour lui dire son « attachement » à la poursuite du travail commun. Anne Hidalgo devait lundi soir rencontrer les écologistes.

Son geste, pourtant, n’a fait que révéler un fossé divisant particulièrement la gauche, mais aussi les écologistes. À la tête de Génération écologie, une formation du « pôle écologiste », ce rassemblement voulu par EELV et ses alliés en vue des prochaines échéances électorales, Delphine Batho sonne l’alarme. L’ex-ministre et députée des Deux-Sèvres « ne partage pas du tout » la position de Julien Bayou sur la manifestation du 10 novembre, l’événement cristallisant les tensions. Elle fait partie de ceux qui ont dénoncé la présence du CCIF, les slogans lancés, le texte d’appel à la marche comportant une dénonciation de la loi sur l’interdiction du port du voile à l’école… Et Batho de prévenir : « La responsabilité des écologistes aujourd’hui, c’est de porter le combat républicain et non pas de reprendre des orientations qui sont contraires à ces valeurs et qui sont par ailleurs marginalisantes… »

Delphine Batho aussi demande à EELV « une grande clarté sur ces questions, comme de façon plus générale sur les enjeux régaliens ». « La société aujourd’hui, affirme-t-elle, et pas seulement à gauche, attend que le combat contre l’islamisme politique, qui n’a rien à voir avec nos compatriotes musulmans, soit mené avec détermination et constance. » Comme Hidalgo a valorisé son « universalisme » face au « relativisme culturel » d’EELV, Batho lance à dessein que « celles qui se battent dans les pays où règne la charia sont nos sœurs de combat ».

L’ancienne ministre de François Hollande en est convaincue : « nos électeurs sont extrêmement au clair avec ces enjeux » et surtout, « la prise de conscience grandit au sein de la gauche depuis l’attentat contre Samuel Paty ». Les langues se délient à gauche ? François Cocq, ex-secrétaire national à la laïcité au Parti de gauche fondé par Jean-Luc Mélenchon, dont il fut proche, s’en réjouit. Il n’a cessé de vouloir le convaincre de « dénoncer l’islam politique », publiant un livre sur ce thème en 2016 auquel il vient juste d’ajouter un chapitre. « Depuis Samuel Paty, Jean-Luc Mélenchon tente de se rattraper, mais ses propos sont guignolesques, dit-il durement, car il a trop longtemps déserté le terrain du combat contre l’islamisme. Un diagnostic aurait dû être posé en temps et en heure. Tant de responsables religieux et politiques se sont voilé la face, et aujourd’hui réalisent… »

Début décembre, avant la présentation en Conseil des ministres, la loi voulue par le chef de l’État pour « conforter les principes républicains », le secrétaire national du PS, Olivier Faure, entrera dans la bataille. Il va prononcer un discours sur la laïcité, qui ne devrait pas donner dans l’ambiguïté, tout en rappelant les fondamentaux de la gauche. « Pourquoi le discours de l’islam politique gagne du terrain ? C’est parce qu’il y a des territoires où la République n’est plus et qu’elle laisse la place à d’autres discours », pointe son entourage.

Au PS, beaucoup se disent prêts à se battre. C’est le cas du sénateur Rachid Temal. « Je dénonce les slogans du type : “Génération climat, génération Adama, même combat !”, dit-il. Ils véhiculent un discours que je combats sur le prétendu racisme d’État ou l’indigénisme . » Temal assure qu’il n’a « rien à voir avec le Printemps républicain » incarnant une ligne de laïcité stricte à gauche. « Je suis pour la loi 1905 et sa stricte application. Mais force est de constater que chez les Verts et une partie de la gauche, comme à droite ou partout en France, il y a un vrai sujet sur la laïcité. »"

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