Revue de presse

"L’Unef, le voile et le bal des hypocrites" (V. Toranian, revuedesdeuxmondes.fr , 21 mai 18)

Valérie Toranian, directrice de la "Revue des deux mondes". 22 mai 2018

"[...] Maryam Pougetoux peut-elle porter son voile alors qu’elle est responsable syndicale au sein de l’université ?
Bien sûr. Maryam Pougetoux peut porter le voile dans la rue, à la fac, partout où elle le souhaite. La loi est claire, elle n’interdit le port du foulard qu’à l’école. De même elle a le droit d’être élue présidente de l’AGE de l’Unef à Paris-IV puisque rien dans les statuts ne l’interdit.

Ce voile est-il ou non un symbole ?
Il l’est indéniablement. Depuis la révolution islamique iranienne en 1979, le port du voile islamique a un sens et marque un retour identitaire de l’islam dans le monde. Celui que porte la présidente de l’Unef Sorbonne n’est pas un foulard anodin. C’est un hijab fermé, un voile islamique qui marque l’appartenance à un islam rigoriste, souvent proche de la mouvance des Frères musulmans.

Cette pratique religieuse véhicule des principes très éloignés de l’égalité hommes-femmes. Maryam Pougetoux est une militante, elle connaît la valeur des mots, du langage, des signifiants. Elle est absolument libre de ses choix religieux comme elle a raison de le spécifier dans sa vidéo.

Cela ne nous oblige pas pour autant à être dupe de son entourloupe. Lorsqu’elle dit, par l’un de ces habiles syllogismes postmodernes inventés pour tromper les gogos, « Je porte le foulard par choix, donc je suis une femme libre, donc je suis féministe », qu’il nous soit permis de préciser une nouvelle fois que toute parole exprimée librement par une femme n’en fait pas une féministe. Le fondement de cet humanisme est l’émancipation de toute tutelle patriarcale ou religieuse et l’égalité des hommes et des femmes dans l’espace public et dans leurs droits.

Dans de nombreux pays musulmans, des femmes mènent des combats féministes pour améliorer leur condition : elles portent le hijab par obligation ou par convention. En gros, elles n’ont pas le choix. Certaines bravent les dangers et se battent contre le symbole que ce foulard représente. Il y a donc bien symbole. Que celles qui le portent librement l’assument.

En choisissant comme représentante une femme voilée, l’Unef est-elle en phase avec ses valeurs progressistes historiques ?

Non et c’est la vraie question de cette polémique. Maryam Pougetoux est l’illustration de ce que certains qualifient de dérive communautariste de l’Unef. L’Unef est un syndicat de gauche historiquement féministe et laïc. En 2013 il s’était prononcé par communiqué contre le port du foulard dans l’enceinte de l’université. Depuis, il a opéré un spectaculaire volte-face. Ce syndicat, proche du PS, dont il constituait un vivier de recrutement, est en crise. Son nombre d’adhérents est en chute libre. La direction ne donne pas de chiffres officiels, mais on estime au mieux à 20 000 le nombre d’adhérents et ce pourrait être moins.

[...] Le syndicat espère renouveler sa base en recrutant au sein des étudiants musulmans. L’Unef a même conclu, depuis une quinzaine d’années, dans nombre d’universités, des accords avec les Étudiants musulmans de France (EMF) pour certaines élections. C’est cette « convergence des luttes » qu’évoque ironiquement Laurent Bouvet dans son post.

Maryam Pougetoux est-elle pour le droit à l’avortement, le mariage pour tous, la PMA qui font partie des engagements de l’Unef ? À moins que l’Unef ne renonce à certains de ses principes par pur clientélisme afin de reconquérir sa place de leader.

L’Unef a été récemment salie par le scandale des abus sexuels dénoncés par plusieurs anciennes militantes [...].

Réagir au voile de Maryam, est-ce du racisme ?
Oui, s’il s’agit de tenir des propos haineux à propos de la religion d’une femme voilée. Mais s’il s’agit de poser la question de la cohérence entre un syndicat étudiant de gauche, féministe et laïc et sa représentante affichant un symbole religieux rigoriste, alors non ! [...]"

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