Communiqué du CLR

Enseignement de l’histoire : la négation du passé (26 déc. 09)

26 décembre 2009

L’affligeant épisode de La Princesse de Clèves en témoignait déjà : le pouvoir actuel est en délicatesse avec la culture. On le voit maintenant disposé à amputer les savoirs « dangereux », au besoin à les faire passer à la trappe. Tel est le sens de la décision que vient de prendre le ministre de l’Éducation nationale Luc Chatel – avec, n’en doutons pas, l’aval de l’Élysée. En supprimant l’histoire-géographie des programmes de la classe de Terminale Scientifique, le sarkozysme montre une fois encore son vrai visage, qui est celui d’une négation d’un passé autant que de la réflexion éthique et civique dont il doit faire l’objet.

Est-il meilleur moyen d’occulter les enjeux républicains que de dissimuler les repères ? Et, pour commencer, les repères naturels qu’offre l’enchaînement des effets et des causes revisités dans une perspective chronologique ? À l’exercice de l’esprit critique on préfère de plus en plus les émotions mémorielles décontextualisées. Au lieu d’expliquer par quel processus Guy Môquet est devenu l’admirable figure républicaine que nous devrions connaître, on préfère médiatiser à grand tapage la lecture de sa lettre d’adieu, sacralisée jusque dans les vestiaires de l’équipe de France de rugby. On préfère livrer à des millions de téléspectateurs l’image d’une larme présidentielle bien entendu furtive et non préméditée. De même, au lieu d’un retour aux textes courageux et beaux qu’il a consacrés aux crises de son époque, on préférerait la panthéonisation-gadget d’un Albert Camus en l’occurrence honteusement détourné. Le slogan plutôt que l’analyse ; l’image « coup de poing » plutôt que la pédagogie des valeurs et l’appel au discernement ; la communication avant toute chose. Et que vaut la tenue du nullissime débat concocté par M. Éric Besson autour du thème glissant de l’identité nationale si, dans le même temps, en reléguant l’enseignement de l’histoire à d’incertaines marges, on prive les lycéens du droit de comprendre comment – et en dépit de qui – s’est construite la France républicaine et laïque que nous devons aimer ?

À l’instar du responsable d’une chaîne de télévision prétendant profiter des « temps de cerveau disponible » dans l’esprit des téléspectateurs devenus simples consommateurs, il semble bien que les totalitarismes et les intégrismes misent sur l’oubli de l’histoire. Voyons ainsi comment l’introuvable Benoît XVI prépare la béatification de son prédécesseur Pie XII – hommage d’un parfait petit soldat vert-de-gris du Saint-Office à un diplomate de curie connu pour sa mollesse à l’égard du régime nazi. Mais cet hommage ne choquera, précisément, que ceux qui n’ont pas oublié l’histoire.

L’agression contre l’enseignement de l’histoire n’est qu’un premier pas. Les républicains doivent se dresser contre l’organisation bureaucratique de l’amnésie telle que prétend l’instituer M. Chatel.

CLR, 26 déc. 09.


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