Tribune libre

Fermeture d’une mosquée salafiste et expulsion de son imam : peut mieux faire ! (K. Slougui)

par Khaled Slougui, consultant formateur, président de l’association Turquoise Freedom. 12 mars 2018

Enfin !
Dans notre association, tous les parents ont soufflé. Dans les familles de radicalisés, la nouvelle a été accueillie avec un grand soulagement, sans doute, mais aussi avec beaucoup d’amertume : pourquoi a-t-on attendu aussi longtemps pour réagir ?
L’imam en question n’est pourtant pas un oiseau de la dernière couvée.
Ce n’est pas non plus la première fois que des responsables ont été interpellés pour la fermeture de lieux de culte, avec souvent des dossiers accablants, allant de l’hygiène et la sécurité, l’occupation illégale de locaux, jusqu’à la tenue de prêches incendiaires, sur le rejet des lois de la république (loi de 1905 sur la laïcité, loi de 2004 sur les signes ostentatoires à l’école), sur la place de la femme dans la société, sur la pratique du culte en tout lieu, sur la prééminence de la loi religieuse par rapport à la loi civile…
Et cela, bien avant les attentats qui ont ensanglanté le pays.

Mais l’Etat a toujours refusé d’exécuter ce type de mesures, invoquant tantôt la remise en cause d’une paix sociale fragile, tantôt les risque d’une guerre civile. C’est dire les idées reçues qui encombrent l’imaginaire collectif à propos de « l’Islam » et des « musulmans ».

Il faut préciser que la majorité des jeunes que nous suivons, et de ceux qui sont partis au « djihad » ou faire leur « Hijra » sont passés par cette sinistre mosquée. L’une de ses spécialités c’était la déscolarisation des jeunes filles.
L’expulsion de son imam est importante sur le plan symbolique, elle a force et valeur de dissuasion, même si le mal est déjà fait, vu qu’il mène sa funeste besogne depuis qu’il a fui l’Algérie au début des années 1980 (plus de trente ans).

Qui est-il ?
C’est un ancien du groupe Bouyali (le premier groupe terroriste en Algérie).
Pour mon malheur, j’ai des amis qui sont du même patelin (Guemar) que Abdelhadi « Doudi », l’imam de la mosquée « Assounna » qui a été fermée pour six mois – et qui donc le connaissent très bien.
Ce qu’on ne peut pas lui reprocher, c’est d’être ambigu, ou d’avoir utilisé le double discours ; c’est un salafiste qui s’assume et qui le crie haut et fort. Il n’était pas bilingue, mais il maîtrisait son sujet, ce qui est loin d’être le cas de ses concurrents. Jamais il n’a voulu demander la nationalité française.

On ne trouvera jamais dans son discours les notions qu’il rejette, démocratie, laïcité, droits de l’Homme... C’est pour cela, entre autres, qu’il a des rapports exécrables avec d’autres salafistes et d’autres mouvances de l’islam politique. Aussi, avec le CFCM, dont on ne peut pas affirmer que la qualité première de ses clients soit la compétence religieuse et la culture.
Pas mal d’imams et de prédicateurs ont salué son éviction, car il faisait de l’ombre à beaucoup de monde dans cette nébuleuse, notion pertinente s’il en est, quand il s’agit de signifier que nous n’avons à faire ni à une communauté religieuse monolithique, ni à une association, un groupement ou une corporation qui seraient caractérisés par l’unité et l’indivision des objectifs et des stratégies.

Que faire ?
L’Etat doit taper fort et partout à la fois, d’autant que, jusqu’à preuve du contraire, il n’y a pas eu de soutien affiché, pas de soulèvement populaire, ni de guerre civile. L’ordre public est sauf, ce qui met à plat les fantasmes nourris vis-à-vis des musulmans en France.
Même ses amis l’ont désavoué, vu qu’il est devenu compromettant pour eux.
Du reste, les islamistes n’ont jamais été connus pour leur courage, leur fidélité et leur bravoure ; c’est d’ailleurs pour ça qu’ils ont toujours été manipulés, d’autant qu’ils se soucient plus des choses de la terre que du ciel, pour parler comme Régis Debray.
C’est à qui offre le plus ; comme par hasard, ils n’ont jamais choisi les pauvres comme compagnons de route : le Bangladesh, La Mauritanie ou la Somalie n’ont rien à offrir, à l’inverse des monarchies moyenâgeuses qui les inondent de pétrodollars.

De source digne de foi, d’autres imams et prédicateurs sont en train de faire dans leur "froc". Dans ma tribune "Décomplexer la parole laïque" [1], je suggérais que la peur devait changer de camp. Il est grand temps !
Cependant, ce serait inéquitable, injuste, voire discriminant d’en rester là. Que va-t-on faire des autres ? La mosquée de « Belle de Mai », celle de « AirBel », celle des « Oliviers »... qui sont bien connues des pouvoirs publics pour leurs agissements nuisibles.
Et, au-delà de Marseille, il s’agit de neutraliser les activistes de l’UOIF (Lasfar, Nghazou, Iquioussen et d’autres…) qui sont mieux connus et cernés depuis les révélations de mon ami Mohamed Louizi, révélations qui lui valent d’être traîné dans la boue [2].
L’on apprend entre autres, que chez les frères musulmans, l’adhérent ne choisit pas l’association. C’est elle, telle une secte obscure qui le coopte, qui le choisit, au terme d’un parcours initiatique particulier. Le rituel de l’allégeance se pratiquant avec d’un côté le Coran, et le pistolet de l’autre.
La direction qui ne se prive pas à l’occasion d’invoquer la république et ses valeurs, plus pour ce qu’elle aurait voulu qu’elles fussent, que pour ce qu’elles sont réellement, base sa doctrine sur la domination et l’asservissement : il n’y a pas d’autre choix que de lui obéir et lui rester fidèle.

Ceci nous amène à rappeler que le danger vient surtout des doctrinaires qui sont les véritables artisans de l’implantation de l’islam politique en France.
Certes, il existe des radicalisés non violents, ils sont même l’écrasante majorité. A part que, comme le souligne le rapport Conesa [3] : « Si tous les radicalisés ne sont pas forcément violents, ceux qui sont passés à l’acte ont tous connu la radicalisation politique et idéologique ».
Pour autant sont-ils moins dangereux ? Nous sommes persuadés du contraire. La différence n’est que dans le « tempo », il y a ceux qui veulent en découdre tout de suite, et ceux qui sont plus stratèges, qui veulent réunir les conditions du « rendre possible », le fameux « tamkine » des frères musulmans.
Il faut comprendre par-là l’imposition de la doctrine islamiste (Instauration de l’Etat islamique, application de la Chariâ).
Les seconds sont plus dangereux en vérité, parce qu’ils travaillent sur le long terme et pratiquent à merveille la dissimulation et l’entrisme ; ils ont pour eux l’expérience, une doctrine élaborée, et les luttes capitalisées depuis environ un siècle. Non, ils n’ont pas leur place dans la république.
Ce ne serait que justice de leur demander des comptes, dans le cadre de la loi, pour apaiser la souffrance des familles.
« On n’oublie rien, de rien, on n’oublie rien du tout, on s’habitue c’est tout », chantait Jacques Brel.

Khaled Slougui

[2Mohamed Louizi, Pourquoi j’ai quitté les frères musulmans (Michalon), lire Lettre à Mohamed Louizi (K. Slougui).

[3Pierre Conesa, « Quelle politique de contre-radicalisation en France ? » Rapport rédigé pour la Fondation d’aide aux victimes du terrorisme, décembre 2014.



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