Revue de presse

"Féminisme et racisme, les errements de Christine Delphy" (N. Raulin, Libération, 27 juil. 15)

27 juillet 2015

"Ainsi, le féminisme français, canal historique, aurait viré raciste. Stupéfiante accusation qu’on prendrait avec dédain si elle n’était portée par une pionnière du mouvement, Christine Delphy, cofondatrice de la revue Nouvelles Questions féministes avec Simone de Beauvoir en 1977. Dans une tribune publiée le 20 juillet dans le quotidien britannique The Guardian, la sociologue tire à vue sur ses camarades de lutte, coupables de « connivence » avec les islamophobes du seul fait du soutien qu’elles ont apporté à l’interdiction légale du port ostentatoire de signes religieux à l’école, et plus généralement de leur réticence à l’égard du port du voile dans l’espace public.

« La laïcité est utilisée comme un argument contre les musulmans », assène Delphy, à l’évidence plus attachée à la « compréhension des minorités opprimées » qu’à la dynamique du mouvement émancipateur. Dans un étourdissant renversement de perspective, cette laïcité politique, qui, il y a un demi-siècle, avait permis la conquête par les Françaises du droit à disposer d’elles-mêmes, est là présentée comme un instrument d’oppression d’autres femmes issues de minorités raciales et religieuses.

Les féministes « blanches » qui voudraient échapper à l’accusation de racisme sont donc sommées d’accepter l’idée d’un nouveau féminisme « qui prendrait en compte la culture islamique ». Autrement dit, qui verrait dans le port du voile non le signe d’une soumission à un ordre patriarcal et religieux, mais le symbole d’une solidarité avec les « membres du même groupe racial ». L’énoncé laisse circonspect sur les contours - et les revendications - que pourrait avoir un tel mouvement subordonnant d’emblée la solidarité féminine à la solidarité raciale. Les prétentions universalistes des suffragettes et de leurs descendantes en seraient à tout le moins absentes...

Au lieu d’insulter les féministes françaises, de leur prêter des aversions qu’elles n’ont pas, Christine Delphy devrait plutôt se souvenir que la liberté d’une femme (de disposer de son corps, d’exercer ses droits, de critiquer, etc.) réclame aussi de mener le combat contre les siens (sa famille ou son « groupe racial ») pour peu que l’ordre social qu’ils défendent repose sur sa propre soumission. Le féminisme français canal historique n’a, lui, pas oublié. Ses conquêtes sont suffisamment récentes, fragiles et imparfaites pour qu’il se refuse à en saper le fondement laïc. On le comprend. Nul racisme là-dedans. Juste de la mémoire."

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