Revue de presse

Claude Habib : « Le voile choque tant en France parce qu’il s’oppose à notre culture galante » (Le Figaro, 25 oct. 19)

Claude Habib, essayiste et professeur de littérature à l’université Sorbonne nouvelle. 29 octobre 2019

[Les articles de la revue de presse sont sélectionnés à titre informatif et ne reflètent pas nécessairement la position du Comité Laïcité République.]

"[…] La pudeur n’ayant pas de borne, ces demandes n’auront pas de fin. Ce sont des réformes à cliquet, chacune préparant la suivante : si l’on autorise le burkini à la piscine, l’exigence d’horaires de non-mixité suivra - il n’est pas dur de le prédire puisque la demande est déjà apparue.

Encourager le fait communautaire, comme certains élus sont tentés de le faire, revient à accroître la séparation des modes de vie sous prétexte d’en prendre acte, et à distendre le rapport aux lois, supposées indéfiniment révisables ou contournables à l’aune des nouveaux « besoins ».

Ces arguments ont leur poids. Ils n’expliquent pas que le voile nous pose un problème spécifique. Manifestement, nos voisins s’en accommodent mieux. Le hidjab a son émoticône dans les claviers de nos smartphones. Pourquoi cette réaction irascible et répétée dans laquelle l’historien Patrick Boucheron dénonce une « crispation française » ? Crispation coûteuse qui plus est : de ce fait la France est la cible des prédicateurs salafistes sur Al Jazeera, et des railleries américaines dans le Herald Tribune. La nation s’expose à la fois à l’incompréhension des libéraux, qui est vexante, et à l’exaltation des fanatiques, qui est mortelle.

Cette particularité peut se déchiffrer sur fond de la culture galante - un phénomène qui n’est pas cantonné dans le lointain passé et les livres qu’on ne lit plus. Les hôtesses d’Air France furent les seuls équipages au monde à pétitionner pour avoir le droit de ne pas porter de foulard lors des escales en Iran. Le voile est le symbole d’une séparation des sexes, plus ou moins rigoureuse mais toujours nécessaire, tandis que la galanterie est un modèle unique, et pour une part utopique, de mixité apaisée. Le voile affirme que les hommes et les femmes ne doivent pas se mêler, qu’ils ne peuvent jamais se fréquenter sans risque ni se croiser sans précaution. Sous le voile et grâce à lui, la femme tient les hommes à distance. Mais c’est en endossant la responsabilité des désirs qu’elle suscite.

La galanterie, à l’inverse, exalte la beauté des femmes, qui ne sauraient jamais se rendre trop jolies. En contrepartie, elle exige ou suppose la retenue des hommes. Un galant homme ne saurait oser un geste inconvenant. C’est donc une mixité particulière : joueuse, légère, érotisée. Elle est inconcevable dans le monde islamique ; elle est incomprise dans le monde anglo-saxon. Ce jeu nous isole mais nous y tenons, et nous restons collectivement allergiques à l’hypocrisie rigoriste. Si le voile crispe en France, c’est qu’il est perçu comme un risque. Il pourrait augurer la fin de la récréation galante, la prohibition de la coquetterie heureuse : la perte d’un bonheur français."

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